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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/111

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besoin, et une couple de gros canons en fer figuraient au sommet de deux angles avancés, comme un avis donné aux téméraires d’en respecter le pouvoir.

Quand Mabel, quittant la hutte commode et retirée où son père avait obtenu la permission de la placer, sortit pour respirer l’air du matin, elle se trouva au pied d’un bastion qui l’invita à y monter, en lui promettant de lui montrer tout ce que l’obscurité de la nuit précédente avait caché à ses yeux. Montant la rampe couverte de gazon, la jeune fille, dont l’esprit était aussi actif que les pieds, se trouva tout à coup sur un point d’où la vue pouvait apercevoir, au moyen de quelques coups d’œil jetés de différents côtés, tout ce qui était nouveau pour elle dans sa nouvelle situation.

Au sud s’étendait la forêt à travers laquelle elle avait voyagé pendant tant de journées pénibles, et qu’elle avait trouvée si remplie de dangers. Elle était séparée de la palissade par une ceinture de clairière, terrain où l’on avait abattu les arbres pour élever les constructions militaires que Mabel avait autour d’elle. Ce glacis, car tel était de fait son usage, pouvait contenir une centaine d’acres de terre, mais avec lui cessait tout signe de civilisation. Par derrière, tout était forêt, — cette forêt épaisse et interminable, que les souvenirs de Mabel pouvaient lui retracer, avec ses lacs cachés, ses rivières d’une eau sombre, et son monde de nature.

Se tournant d’un autre côté, notre héroïne sentit sa joue rafraîchie par une brise agréable qu’elle n’avait pas éprouvée depuis qu’elle avait quitté la côte. Là, une nouvelle scène s’offrit à elle, et quoiqu’elle s’y attendît, ce ne fut pas sans un tressaillement, et une exclamation indiquant le plaisir, que les yeux de la jeune fille en admirèrent la beauté. Au nord, à l’est, à l’ouest, de tous les côtés en un mot, sur la moitié de ce nouveau panorama, elle apercevait une vaste nappe d’eau. La couleur de cette eau n’était pas ce vert qui caractérise en général les eaux d’Amérique, ni le bleu foncé de l’océan ; c’était une légère teinte d’ambre qui nuisait à peine à sa limpidité. Nulle terre n’était en vue, à l’exception de la côte adjacente, qui s’étendait à droite et à gauche, formant une ligne non interrompue de forêts, avec de grandes baies et des pointes et des promontoires peu élevés. Cependant une grande partie du rivage était couverte de rochers dans les cavernes desquelles l’eau s’engouffrait quelquefois avec