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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/133

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— Vous avez moitié raison et moitié tort, mon ami. Les femmes aiment une conversation légère, quoiqu’elles se plaisent à y prendre la principale part. Vous savez que je suis un homme dont la langue ne se presse pas de donner un corps à la première pensée frivole qui s’offre à son esprit ; en bien ! il y avait des jours où je voyais que la mère de Mabel n’en pensait pas plus mal de moi quand je dérogeais à ma dignité. Il est vrai que j’avais alors vingt-deux ans de moins qu’aujourd’hui ; et qu’au lieu d’être le plus ancien sergent du régiment, j’en étais le plus jeune. Un air de dignité est utile et imposant en ce qui concerne les hommes mais si l’on veut paraître tout à fait estimable aux yeux d’une femme, il faut avoir, dans l’occasion, un peu de condescendance.

— Ah ! sergent, je crains bien que cela ne me réussisse jamais.

— Pourquoi vous décourager ainsi dans une affaire sur laquelle je croyais que nous étions d’accord tous deux ?

— Nous étions d’accord que, si Mabel se trouvait ce que vous disiez qu’elle était, et qu’elle pût voir de bon œil un chasseur et un guide qui ne sait rien de plus, je renoncerais en partie à une vie errante, et je tâcherais de m’humaniser avec ma femme et des enfants. Mais depuis que j’ai vu Mabel, j’ai eu de fâcheux pressentiments.

— Que veut dire cela ? — s’écria le sergent d’un ton austère ; — vous ai-je mal compris ? Ne m’avez-vous pas dit qu’elle vous avait plu ? — Mabel est-elle fille à tromper l’attente qu’on en a conçue ?

— Ah ! sergent, ce n’est pas de Mabel que je me méfie, c’est de moi-même. Je ne suis, après tout, qu’un pauvre et ignorant homme des bois, et peut-être, dans le fait, ne vaux-je pas autant que vous et moi nous le pensons.

— Si vous doutez de votre jugement, Pathfinder, je vous prie de ne pas douter du mien. Ne suis-je pas habitué à juger du caractère des autres ? n’est-ce pas mon devoir spécial ? suis-je homme à me tromper ? Adressez-vous au major Duncan, Monsieur, s’il vous faut des garanties à cet égard.

— Mais nous sommes d’anciens amis, sergent ; nous avons combattu côte à côte une douzaine de fois, et nous nous sommes rendu l’un à l’autre bien des services. Or, en pareil cas, les hommes sont portés à penser trop avantageusement l’un de l’au-