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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/213

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eussiez été hors du fort cette nuit-là à votre ordinaire, nous en aurions arrêté au moins un.

Il faisait trop noir pour remarquer la couleur qui anima les joues basanées du guide quand il entendit ces mots, car il se reprocha d’avoir passé cette nuit dans le fort, retenu trop tard pour en sortir par la voix douce de Mabel qui chantait des ballades à son père, et par le plaisir qu’il goûtait en contemplant des traits qui avaient tant de charmes pour lui. L’intégrité dans ses pensées comme dans ses actions étant le caractère distinctif de cet homme extraordinaire, il sentit qu’une sorte de honte devait s’attacher à lui dans cette occasion ; mais la dernière pensée qui se serait présentée à son esprit eût été celle de chercher à nier ou à excuser sa négligence.

— J’en conviens, Jasper, j’en conviens, — répondit-il humblement ; — si j’avais été hors du fort cette nuit, — et je ne me rappelle aucune raison suffisante pour y être resté, — ce que vous venez de dire aurait pu arriver.

— C’est la soirée que vous avez passée avec nous, Pathfinder, — remarqua Mabel innocemment. — Bien certainement un homme qui passe une si grande partie de son temps dans les bois et en face de l’ennemi, est bien excusable de donner quelques heures à un ancien ami et à sa fille.

— Non, non, je n’ai guère fait que fainéanter depuis mon retour à la garnison, — répondit le guide en soupirant, — et il est juste que Jasper me le rappelle. Le fainéant mérite un reproche ; — oui, il le mérite.

— Un reproche, Pathfinder ? Je n’ai jamais songé à vous dire rien de désagréable, bien moins encore à vous faire un reproche, parce qu’un espion et un Indien nous ont échappé. Maintenant que je sais où vous étiez, je trouve votre absence la chose la plus naturelle du monde.

— Je ne vous en veux pas, Jasper, je ne vous en veux pas de ce que vous m’avez dit ; je l’avais mérité.

— Cela n’est pas amical, Pathfinder.

— Donnez-moi la main, mon garçon, donnez-moi la main. Ce n’est pas vous qui m’avez donné cette leçon, c’est ma conscience.

— Fort bien, fort bien, — dit Cap ; — mais à présent que cette affaire est arrangée à la satisfaction des parties, peut-être nous direz-vous comment on a pu savoir que des espions soient venus