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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/243

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Quelques heures se passèrent ainsi ; le vent et l’eau du lac prenaient graduellement plus de force, et enfin la violence du roulis devint telle, que Mabel et le quartier-maître furent aussi obligés de quitter le pont. Cap vira de bord plusieurs fois, et il était manifeste que la dérive portait le Scud vers la partie la plus large et la plus profonde du lac. Des lames furieuses le battaient avec une force à laquelle un bâtiment d’une forme et d’une construction supérieures pouvait seul résister long-temps. Tout cela ne causait pourtant aucune inquiétude à Cap. Comme le chien de chasse qui dresse les oreilles quand il entend donner du cor, et le cheval de bataille, qui trépigne et hennit de plaisir au son du tambour, cette scène éveilla tout ce qu’il y avait de mâle en lui ; et au lieu de prendre le ton d’un critique dogmatique et hautain, de trouver à redire aux moindres bagatelles, et d’exagérer des choses sans importance, il commença à se montrer ce qu’il était réellement, un vieux marin ayant acquis de l’expérience. L’équipage apprit bientôt à respecter ses connaissances, et quoiqu’on ne sût pas la cause de la disparition du maître et du pilote, qui n’avait pas été rendue publique, on obéissait implicitement aux ordres du nouveau commandant.

— Après tout, frère Dunham, je vois qu’il y a quelque vigueur dans cette goutte d’eau douce, — dit-il vers midi, en se frottant les mains de satisfaction d’avoir encore une fois à lutter contre les éléments. — Le vent paraît être un brave vent à l’ancienne mode, et les lames ont une singulière ressemblance avec celles du détroit des Florides. Cela me plaît, sergent, cela me plaît, et j’aurai du respect pour votre lac, s’il peut rester ainsi seulement vingt-quatre heures.

— Terre ! cria le matelot qui était en vigie sur l’avant.

Cap y courut sur-le-champ, et bien certainement on apercevait la terre à travers le brouillard à environ un demi-mille de distance, le cutter voguant en droite ligne de ce côté. Son premier mouvement était de virer de bord et s’éloigner de la terre. Mais le sergent l’arrêta.

— En approchant un peu plus, — dit-il avec sang-froid — quelqu’un de nous peut reconnaître cet endroit. La plupart de nos matelots connaissent la côte américaine du lac, et ce serait gagner quelque chose que de savoir où nous sommes.

— Vous avez raison, et pour peu que cela soit possible, nous continuerons la même route. Que vois-je là-bas, un peu par notre bossoir du vent ? cela a l’air d’un cap peu élevé ?