Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

canaux conduisant au poste où il devait se rendre. Cependant à neuf heures Cap insista pour qu’on jetât l’ancre, car le labyrinthe d’îles devenait si compliqué, qu’il craignait, à chaque espace d’eau libre, de se trouver sous les canons d’un fort français. Jasper consentit sans peine, ayant pour instructions spéciales de ne jamais s’approcher du poste sans prendre les mesures nécessaires pour qu’aucun homme de l’équipage n’en pût connaître exactement la route ou la situation, de crainte qu’un déserteur n’en donnât avis à l’ennemi.

Le Scud jeta l’ancre dans une petite baie retirée où il aurait été difficile de le trouver pendant le jour, et où il était parfaitement caché. Tout le monde alors descendit sous le pont pour prendre du repos, à l’exception d’une sentinelle. Cap s’était tellement fatigué depuis deux jours, qu’il dormit long-temps et profondément, et il ne s’éveilla de son premier sommeil que quand le jour commença à paraître. Cependant à peine ouvrit-il les yeux que son instinct nautique l’avertit que le cutter avait levé l’ancre. Montant à la hâte sur le pont, il trouva le Scud voguant au milieu des îles, tandis qu’il n’y avait sur le pont que Jasper et le pilote, excepté la sentinelle, qui ne s’était pas mêlée de mouvements qui avaient dû lui paraître aussi réguliers que nécessaires.

— Que veut dire ceci, maître Jasper ? — s’écria-t-il avec colère ; — avez-vous le projet de nous faire enfin entrer dans le port de Frontenac pendant que nous sommes tous endormis ?

— J’exécute mes ordres, maître Cap. Le major Duncan m’a ordonné de ne jamais m’approcher, de ce poste sans avoir envoyé tout le monde sous le pont. Il ne veut pas avoir dans ces eaux plus de pilotes que le service du roi n’en exige.

— Whe-e-ew ! j’aurais fait une belle affaire de me jeter au milieu de ces buissons et de ces rochers sans avoir personne sur le pont ! Sur ma foi ! un pilote régulier d’York ne se tirerait pas d’un pareil canal.

— J’ai toujours pensé, monsieur, — dit Jasper en souriant, — que vous auriez mieux fait de laisser le cutter entre mes mains, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à sa destination.

— Nous l’aurions fait, Jasper ; nous l’aurions fait sans les circonstances. Mais ces circonstances sont des choses très-sérieuses, et tout homme prudent doit y faire attention.

— Eh bien ! monsieur, j’espère que nous en sommes à la fin. Nous arriverons au poste en moins d’une heure ; si le vent continue ;