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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/447

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ses propres sensations, et ne savait pas si elles étaient aussi mâles et aussi héroïques qu’elles devaient l’être ; mais il sentait trop bien l’influence de la vérité, de l’humanité de la soumission religieuse et de la dépendance des hommes pour penser à faire entendre quelque objection mal digérée. Jasper, à genoux en face de Mabel, le visage caché, suivait ses paroles avec un désir ardent d’unir sa prière à la sienne, quoiqu’on pût mettre en doute si ses pensées n’étaient pas plus occupées des doux accents de la suppliante que de l’objet de la demande.

L’impression produite sur Pathfinder était frappante et visible ; il se tenait debout aussi en face de Mabel, et l’expression de ses traits trahissait, comme à l’ordinaire, les mouvements de son âme ; il s’appuyait sur sa carabine, et ses doigts nerveux en pressaient parfois le canon avec une force sous laquelle l’acier semblait fléchir ; deux ou trois fois, lorsque le langage de Mabel s’identifiait avec sa pensée, il leva les yeux ; comme s’il se fût attendu à voir des preuves visibles de la présence de l’être redouté qu’elle invoquait, puis ses sentiments se reportaient encore sur la belle créature qui semblait exhaler son âme entière, dans une fervente mais douce prière en faveur d’un père mourant ; les joues de Mabel avaient cessé d’être pâles ; un saint enthousiasme les colorait, et ses yeux bleus, frappés par la lumière, la faisaient ressembler à une tête du Guide ; dans ces instants le pur et profond attachement de Pathfinder brillait sur ses traits ingénus, et le regard qu’il fixait sur notre héroïne était celui que le père le plus tendre peut jeter sur l’enfant de son amour.

Lorsque Mabel cessant de prier se cacha le visage sur le lit de son père, il posa doucement les mains sur sa tête :

— Sois bénie, chère enfant, sois bénie ! murmurait-il ; c’est une véritable consolation, que ne puis-je prier !

— Mon père, vous savez la prière du Sauveur, vous me l’avez apprise vous-même quand j’étais enfant.

Un sourire brilla sur la figure du sergent, car il se rappela qu’il avait au moins rempli cette portion des devoirs d’un père, et ce souvenir lui donna une satisfaction inexprimable en ce moment solennel. Il garda alors le silence plusieurs minutes, et tous les assistants crurent qu’il communiquait avec Dieu.

— Mabel, mon enfant ! — dit-il enfin d’une voix qui semblait se ranimer, — Mabel, je vous quitte. — L’âme paraissant toujours, dans ce terrible et dernier passage, considérer le corps