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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/467

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CHAPITRE XXX.


« Oh ! laisse-moi seulement respirer l’air, l’air adoré que tu respires, et soit qu’il apporte sur ses ailes la guérison ou la mort, il sera doux pour moi ! »
Moore.

Pathfinder était habitué à l’isolement, mais lorsque le Scud eut disparu, il fut accablé du sentiment de sa solitude. Jamais, dans aucun temps, il n’avait senti à ce point son isolement dans le monde ; car il s’était habitué peu à peu aux raffinements et aux besoins de la vie sociale, surtout lorsque ces besoins se rattachaient aux affections domestiques. Tout s’était éclipsé en un moment, puis il était resté seul, sans ami comme sans espérance ; Chingashgook lui-même l’avait quitté momentanément, et sa présence manquait à Pathfinder en cet instant qu’il pouvait appeler le plus critique de sa vie.

Long-temps après que le Scud eut disparu, Pathfinder resta appuyé sur sa carabine, dans l’attitude que nous avons décrite dans le chapitre précédent. La raideur de ses muscles était toujours la même, et il fallait que ses membres eussent été mis souvent à une sévère épreuve pour qu’ils pussent conserver cette posture avec l’inflexibilité du marbre pendant un si long espace de temps. Enfin il s’éloigna, et le premier mouvement de son corps fut précédé d’un soupir qui partit du plus profond de son cœur.

Un des points caractéristiques de cet être extraordinaire, c’est que ses facultés morales et physiques n’étaient jamais en défaut, quelque préoccupé que fût son esprit. Dans cette triste occasion ni l’un ni l’autre de ces deux grands auxiliaires ne lui manquèrent. Quoique ses pensées fussent exclusivement occupées de Mabel, de sa beauté, de sa préférence pour Jasper, de ses larmes et de son départ, il se dirigea en ligne directe vers l’endroit où Rosée-de-Juin était toujours pleurant sur la tombe de son mari. Leur conversation eut lieu dans la langue des Tuscaroras que Pathfinder parlait couramment, mais comme cette langue n’est