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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/75

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LE LAC ONTARIO.

fixés sur la pirogue. En moins de temps qu’il n’en a fallu pour décrire ces derniers incidents, ou vit le fragile esquif tourner et danser dans lerapide ; et les deux sauvages, pour tâcher d’en conserver l’équilibre, s’étaient étendus dans le fond. Cet expédient ne leur réussit pas long-temps, car la pirogue, frappant contre un rocher, chavira, et les deux guerriers furent jetés dans la rivière. L’eau est rarement profonde dans les rapides, à l’exception des endroits où elle s’est creusé un canal, et ils n’avaient pas à craindre d’être noyés ; mais ils perdirent leurs armes, et ils furent obligés de regagner la rive occidentale, moitié à la nage, moitié en marchant dans l’eau, suivant les circonstances. La pirogue finit par s’arrêter sur un rocher au milieu de la rivière, de sorte que, pour le moment, elle ne pouvait être utile à aucun des deux partis.

— Voici l’instant favorable, Pathfinder, — dit Jasper, tandis que les deux Indiens avaient la plus grande partie du corps exposé en marchant dans l’eau. — J’ajuste le premier, chargez-vous du second.

Son coup partit comme il achevait ces mots, mais tout ce qui venait de se passer l’avait tellement agité qu’il n’eut pas la main sûre ; aucun des deux fugitifs ne fut blessé, et ils levèrent les bras en l’air en signe de dérision. Pathfinder ne tira point.

— Non, non, Eau-Douce, — répondit-il, — je ne cherche pas à répandre le sang sans nécessité. Ma balle est bien couverte de cuir, ma carabine soigneusement bourrée, et je réserve ma charge pour un besoin urgent. Je déteste les Mingos, et c’est justice, vu que j’ai passé si long-temps avec les Delawares ; mais je ne tire sur aucun d’eux sans être sûr que sa mort conduira à quelque chose d’utile. Jamais je n’ai tué un daim à plaisir. En vivant la plupart du temps seul avec Dieu dans le désert, on s’accoutume à reconnaître la justice de ces sentiments. Contentons-nous d’une vie pour le moment ; l’occasion se présentera peut-être d’employer Tue-daim pour le service du Grand-Serpent, qui a fait une chose hasardeuse en apprenant si clairement à ces diables rampants qu’il est dans leur voisinage. — Comme je suis un pécheur, en voici un qui rôde là-bas le long du rivage comme un des enfants de la garnison qui se cache derrière un arbre tombé pour tirer sur un écureuil.

Comme Pathfinder montrait du doigt l’Indien dont il parlait, Jasper l’eut bientôt aperçu. Un des jeunes guerriers iroquois,