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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/96

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rins, signifie toujours brandy ; et eau-de-vie, brandy d’un haut degré. Je ne vous fais pas un reproche de votre ignorance, jeune homme, elle est naturelle dans votre situation, et vous ne pouvez y rien faire. Si vous voulez revenir avec moi et faire un voyage ou deux sur l’Atlantique, cela vous sera utile pour tout le reste de votre vie ; et Mabel que voilà, et toutes les autres jeunes filles vivant près de la côte en penseront mieux de vous, quand vous vivriez assez pour devenir aussi vieux que les arbres de cette forêt.

— Non, non, — dit le guide, aussi franc que généreux, Jasper ne manque point d’amis dans ce pays, je puis vous l’assurer. Voir le monde, suivant ses habitudes, pourrait lui faire autant de bien qu’à un autre, mais personne n’en pensera plus mal de lui s’il ne nous quitte jamais. Eau-Douce, ou Eau-de-Vie, comme il vous plaira, est un brave jeune homme sur qui l’on doit compter, et je dors toujours aussi profondément quand il est chargé de veiller que si j’étais moi-même de garde ; oui, et c’est plus profondément que je dois dire. La fille du sergent, que voilà, ne pense sûrement pas qu’il soit nécessaire que Jasper aille en mer pour devenir un homme digne d’être estimé et respecté.

Mabel ne répondit rien à ce propos, et elle tourna même la tête vers la rive occidentale, quoique l’obscurité ne rendît pas ce mouvement naturel nécessaire pour cacher son visage. Mais Jasper se crut obligé de dire quelque chose. Sa fierté se révoltait de l’idée de passer pour ne pas être en état de commander le respect de ses compagnons, on d’obtenir les sourires des jeunes filles de même condition que lui. Cependant il ne voulait rien dire à l’oncle de Mabel qui pût lui paraître désagréable, et son empire sur lui-même lui faisait peut-être encore plus d’honneur que sa modestie et sa vivacité.

— Je n’ai pas de prétention à ce que je ne possède pas, — dit-il, — et je conviens que je ne connais ni l’océan ni la navigation. Nous naviguons sur nos lacs à l’aide des astres et de la boussole, passant d’un cap à un autre, et n’ayant guère besoin de chiffres et de calculs, nous n’en faisons pas usage. Mais nous avons pourtant nos prétentions, comme je l’ai souvent entendu dire à des hommes qui avaient passé des années sur l’Océan. D’abord nous avons toujours la terre en vue, très-fréquemment nous l’avons sous le vent, et c’est ce qui fait de bons marins comme je l’ai