Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE VII.


Lui, qui a élevé son esprit à une telle hauteur, et donné une telle force à l’habileté de ses pensées, que ni la crainte ni l’espoir ne peuvent ébranler ses résolutions.
Daniel



Le lendemain l’Alhambra était rempli de courtisans comme à l’ordinaire ; les uns demandant des faveurs, les autres réclamant justice, plusieurs sollicitant la réparation de torts imaginaires. On se pressait dans toutes les antichambres, et les individus qui attendaient se regardaient les uns les autres avec inquiétude, comme pour voir jusqu’à quel point leurs voisins pouvaient nuire à leurs désirs ou y être utiles. On se saluait en général avec froideur et méfiance, et ceux qui ne se bornaient pas à un simple salut s’abordaient avec cette civilité contrainte qui caractérise le commerce des hommes dans les palais.

Tandis que la curiosité s’occupait avec activité à deviner les motifs qui amenaient chacun en cet endroit, et que les chuchotements, les signes, les haussements d’épaules et les coups d’œil expressifs, s’échangeaient entre les anciens habitués de la cour, qui se communiquaient les uns aux autres le peu qu’ils savaient ou qu’ils croyaient savoir sur tel ou tel sujet, il y avait dans un coin du principal appartement un homme qu’on pouvait distinguer de tous ceux qui l’entouraient, par sa haute taille, son air grave et plein de dignité, et le genre d’attention qu’il attirait. Peu de personnes s’approchaient de lui, et ceux qui le faisaient ne lui avaient pas plus tôt tourné le dos, qu’ils prenaient cet air de suffisance et de mépris qui caractérise le commun des hommes quand ils croient qu’en ricanant et en tournant quelqu’un en ridicule ils auront pour eux l’opinion populaire. C’était Colomb, qu’on regardait généralement comme un homme à projets, un visionnaire, et qui par conséquent était exposé à ce genre de mépris et de sarcasmes dont ceux à qui l’on donne ces noms sont