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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/109

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— Je vous regarde comme un bon chrétien, señor Colon, dit archevêque d’un ton un peu sec.

— Je suis ce que la grâce de Dieu et la faiblesse de ma nature m’ont fait, señor archevêque ; quoique j’espère humblement que, lorsque j’aurai mis à fin cette grande entreprise, je pourrai être jugé plus digne de la protection et de la faveur du ciel.

— J’ai entendu dire que vous vous croyez spécialement choisi par la Providence pour cette œuvre.

— Je sens en moi, saint prélat, de quoi encourager cet espoir ; mais je ne le fonde pas sur des mystères qui excèdent mon intelligence.

Il serait difficile de dire si cette réponse fit gagner ou perdre quelque chose à Colomb dans l’esprit de ses auditeurs. L’opinion religieuse de ce siècle était d’accord avec l’idée qu’il venait d’exprimer ; mais il parut aux commissaires ecclésiastiques qu’il était présomptueux à un laïque étranger et inconnu de se regarder comme un vase d’élection, tandis que tant de gens qui semblaient avoir de plus hauts droits étaient rejetés. Cependant aucun d’eux ne se permit d’exprimer cette opinion ; car, alors comme aujourd’hui, celui qui semblait compter sur le pouvoir de Dieu portait avec lui un poids et une influence qui n’admettaient pas la censure.

— Vous vous proposez, continua l’archevêque, d’arriver au Cathay en traversant l’Atlantique, et pourtant vous niez l’existence du Prestre Jean !

— Je vous demande pardon, saint prélat ; je me propose d’arriver au Cathay et à Cipango de la manière que vous mentionnez, mais je ne nie pas positivement l’existence du monarque dont vous parlez. À l’appui de la probabilité du succès de mon entreprise, j’ai déjà employé des preuves et des raisonnements qui ont satisfait beaucoup de savants ecclésiastiques ; mais rien ne démontre l’existence du Prestre Jean.

— On dit pourtant que Giovanni di Montecorvino, pieux évêque de notre sainte Église, convertit à la vraie foi un prince de ce nom, il y a près de deux siècles.

— Le pouvoir de Dieu peut tout faire, señor archevêque, et je ne suis pas homme à mettre en question les mérites des ministres qu’il s’est choisis. Tout ce que je puis dire sur ce point, c’est que je ne connais aucune raison plausible ou scientifique qui me justifierait si je tentais une entreprise qui peut être aussi trompeuse que la lumière qui s’éloigne de la main qui croit pouvoir