Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sessions en Orient, contrée d’où viennent toutes les richesses, les épices, les perles, la soie et les métaux les plus précieux. — Et enfin la gloire de Dieu viendra couronner et surpasser tout le reste.

Isabelle fit le signe de la croix, ses joues se couvrirent de rougeur, ses yeux étincelèrent, et sa belle taille sembla encore grandir par la majesté des sentiments que ce tableau fit naître en elle.

— Je crains, Ferdinand, dit-elle, que nos conseillers n’aient agi avec trop de précipitation. Il me semble que la grandeur du projet pouvait justicier des concessions plus qu’ordinaires.

Mais le roi entra peu dans les idées libérales d’Isabelle ; car il sentait beaucoup plus vivement l’aiguillon de la jalousie politique que l’émotion d’un zèle libéral pour les intérêts de l’Église ou de la science. Ferdinand passait généralement pour un prince sage, ce qui ne semble une preuve ni de générosité ni même de justice : il sourit de enthousiasme de la reine, mais continua de lire un papier qu’un secrétaire venait de lui remettre.

— Votre Altesse pense comme doña Isabelle de Castille doit penser quand il s’agit de la gloire de Dieu et de l’honneur de sa couronne, dit doña Béatrix usant de la liberté que sa maîtresse lui permettait dans leur commerce privé. J’aimerais mieux vous entendre prononcer le rappel de Colon, que d’avoir de nouveau les oreilles frappées d’acclamations de triomphe pour une victoire remportée sur les Maures.

— Je sais que vous m’aimez, Béatrix, dit la reine. Si la sincérité n’était pas dans votre cœur, il faudrait que la condition déchue de l’homme ne permît plus de trouver un tel joyau sur la terre.

— Nous vous aimons et nous vous respectons tous, reprit Saint-Angel, et nous ne désirons que la gloire de Votre Altesse. Quelle page brillante dans l’histoire, Señora, que celle où l’on verrait ce grand exploit de la réduction des Maures suivi du fait plus important encore de la découverte d’une voie de communication prompte et facile avec les Indes, la propagation de la foi chrétienne dans des pays lointains, et une source inépuisable de richesses ouverte à l’Espagne ! Les froids et égoïstes calculs de l’homme ne peuvent suffire aux nobles projets de Colon ; il faut que son entreprise ait le généreux appui de celle qui peut courir beaucoup de risques pour la gloire de Dieu et le bien de l’Église.