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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/155

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— Votre proche parent ! votre parent chéri ! Quel miracle, ma tante ! comment se fait-il donc qu’il me soit plus difficile de voir votre pupille…

— Qui est l’objet spécial des soins de la reine de Castille. Soit. Mais pourquoi un Bobadilla serait-il proscrit, même par une reine de Castille ?

Luis eut alors recours à tous ses moyens de persuasion, et, profitant d’un petit avantage qu’il avait remporté à force de prières et d’importunités, il réussit enfin à obtenir de doña Béatrix la promesse qu’elle demanderait à la reine la permission de lui accorder un entretien particulier avec doña Mercédès. Car, il est utile de le savoir, Isabelle, craignant l’influence que les liens du sang pourraient avoir sur la marquise, lui avait donné ses instructions à ce sujet : il avait été convenu entre elles, comme mesure de prudence, qu’on ne laisserait les deux jeunes gens se voir que le moins souvent possible. S’acquittant donc de la promesse qu’elle avait faite à son neveu, doña Béatrix fit part à la reine de la conversation qu’elle avait eue avec don Luis, et n’oublia pas de parler des sentiments qu’il avait manifestés en parlant d’elle. Cette communication fut favorable aux vues du jeune amant, et un des premiers fruits qu’il en retira fut la permission d’avoir l’entrevue qu’il désirait avec sa maîtresse.

— Ce ne sont pas des souverains, dit la reine avec un sourire dans lequel sa favorite remarqua quelque chose de mélancolique, quoique sa pénétration fût en défaut pour décider si quelque tristesse véritable en était la cause, ou si ce n’était que la conséquence d’une sorte de regard jeté en arrière sur un genre d’émotions qu’on sait ne pouvoir s’éveiller dans le cœur qu’une seule fois ; — ce ne sont pas des souverains, marquise ma fille, et il ne sont pas obligés de se faire la cour par procuration et de s’épouser sans se connaître : il pourrait ne pas être prudent de leur permettre de se voir trop souvent ; mais il serait cruel de refuser à votre neveu, qui va partir pour une expédition dont le résultat est si douteux, une seule occasion de déclarer sa tendresse et de faire des promesses de constance. Si Mercédès a véritablement quelque penchant pour lui, le souvenir de cette entrevue lui rendra moins pénible l’absence de don Luis.

— Et fournira de nouveaux aliments à sa flamme, dit la marquise d’un ton grave.

— Je n’en sais trop rien, ma bonne Beatrix ; car, si le pouvoir