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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/171

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l’imagination de tous les maux qui peuvent causer l’épouvante, eux et leurs voisins ; et il me semble que je suis aussi loin de voir mes espérances s’accomplir, que je l’étais avant d’avoir obtenu l’amitié de ce bon père et la protection de la reine Isabelle. C’est une chose cruelle, Pédro, de consumer sa vie en espérances déçues, quand on a en vue un aussi grand objet que l’accroissement des connaissances humaines et la propagation de la foi.

— Je vous apporte de bonnes nouvelles, Señor. En venant de la ville de Moguer ici, j’ai eu pour compagnon de route un nommé Martin Alonzo Pinzon, marin, avec qui j’ai fait autrefois un voyage sur mer, et nous avons beaucoup causé de votre projet et des difficultés que vous avez éprouvées. Il m’a dit qu’il est connu de vous, señor Colon, et, d’après ses discours, je pense qu’il juge favorablement des chances que vous avez pour réussir.

— Oui, Pédro, oui ; et il a souvent écouté mes raisonnements en navigateur sensé et habile, comme je ne doute pas qu’il ne le soit. Mais ne m’avez-vous pas dit qu’il vous connaissait ?

— Oui, Señor ; nous avons fait ensemble le voyage d’Espagne à l’île de Chypre, et de là en Angleterre. Dans ces voyages de long cours, on parvient aisément à connaître le caractère et les dispositions les uns des autres, et j’ai conçu une opinion favorable du señor Pinzon sous ce double rapport.

— Vous êtes bien jeune, mon fils, dit le prieur, pour porter un jugement sur un marin qui a l’âge et la prudence de Martin Alonzo. Il jouit d’une grande réputation dans ces environs, et il passe pour être riche. Cependant, j’apprends avec plaisir qu’il pense comme autrefois relativement à votre grand voyage, car depuis quelque temps je croyais qu’il chancelait.

Don Luis avait parlé du grand homme de ce voisinage plutôt comme un Bobadilla, que de la manière qui convenait au nom supposé de Muñoz qu’il avait pris. Un regard de Colomb l’avertit d’oublier son rang et de songer à son déguisement.

— Cela est vraiment encourageant, et nous présente le Cathay sous un jour plus brillant, dit le navigateur. Je crois que vous m’avez dit que c’est en venant de Moguer à Palos que vous avez causé ainsi avec notre connaissance le bon Martin Alonzo ?

— Oui, Señor ; et c’est lui qui m’a dit de venir chercher ici l’amiral, car il vous donnait ce titre que la faveur de la reine vous a accordé ; ce que je ne regarde pas comme une faible preuve d’amitié, attendu que beaucoup d’autres avec qui j’ai conversé