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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/173

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ne pas se permettre de plaisanter ou de parler avec légèreté des opinions de celui qui doit être son chef.

— Je vous demande pardon, mon père, si je vous ai offensé, et j’en dis autant à l’amiral, qui, j’espère, m’a mieux compris. Tout ce que je voulais dire, c’est que je connais ce Martin Alonzo, votre voisin, comme un ancien compagnon de voyage ; que nous avons fait quelques lieues ensemble ce matin, et qu’après un long entretien il m’a montré le désir de pousser à la roue pour faire sortir l’expédition, sinon d’un bourbier, du moins des sables de votre port, et qu’il a promis de venir ici dans ce louable dessein. Quant à moi, tout ce que j’ai à ajouter, c’est que me voici prêt à suivre le respectable señor Colon partout où il voudra me conduire.

— Fort bien, Pédro, fort bien, dit l’amiral. Je crois pleinement à votre sincérité et à votre ardeur, et cela doit vous suffire jusqu’à ce que vous ayez occasion d’en convaincre les autres. — Je suis charmé d’apprendre ces nouvelles de Martin Alonzo, père prieur ; car il peut nous rendre de grands services, et son zèle avait assurément commencé à se refroidir.

— Oui, il peut vous servir, et il vous servira, s’il s’intéresse sérieusement à cette affaire. Martin est le premier navigateur de toute cette côte ; car, quoique j’ignorasse qu’il eût jamais été en Chypre, comme cela paraît être d’après ce que ce jeune homme vient de nous dire, je savais qu’il avait fréquemment remonté au nord jusqu’aux côtes de France, et descendu au sud jusqu’aux Canaries. — Croyez-vous que le Cathay soit beaucoup plus loin que l’île de Chypre, señor amirante ?

Colomb sourit à cette question, et secoua la tête en homme qui désire préparer à un ami un désappointement.

— Quoique l’île de Chypre, répondit-il, ne soit pas très-loin de la Terre-Sainte et du siège principal du pouvoir des infidèles, le Cathay doit être à une distance beaucoup plus considérable, et je n’espère, ni ne veux faire espérer à ceux qui sont disposés à me suivre, de pouvoir y arriver avant d’avoir fait huit cents à mille lieues.

— C’est une distance prodigieuse et effrayante ! s’écria le franciscain, tandis que Luis souriait avec un air d’insouciance, s’inquiétant fort peu d’avoir à faire mille ou dix mille lieues sur l’Océan, pourvu que le voyage produisît des aventures et que son