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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/187

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Colomb ayant annoncé ainsi son intention d’accomplir les rites de l’Église avant son départ, rites qu’on négligeait rarement à cette époque, la conversation roula pendant quelques instants sur les détails des préparatifs qui restaient à faire. Les trois amis se séparèrent ensuite, et quelques jours se passèrent encore à préparer avec activité tout ce qui était nécessaire pour mettre à la voile.

Dans la matinée du jeudi 2 août 1492, Colomb, couvert de l’habit de pénitent, entra dans l’appartement du père Juan Pérez avec l’air d’une piété si humble, mais si calme, qu’il était évident qu’en songeant à ses fautes il n’oubliait pas la bonté infinie de Dieu. Le franciscain l’attendait, le grand navigateur se mit à genoux aux pieds du prêtre devant qui Isabelle s’était agenouillée elle-même pour accomplir le même devoir. La religion de cet homme extraordinaire portait l’empreinte des habitudes et des opinions de son siècle, et il doit en être de même plus ou moins de la religion de chacun. Sa confession offrit donc ce mélange d’une piété sincère et d’erreurs inconséquentes que le moraliste rencontre si souvent dans ses recherches philosophiques sur l’esprit humain. Nous démontrerons la vérité de cette assertion en rapportant un ou deux des aveux que le grand navigateur fit au tribunal de la pénitence en s’accusant de ses fautes.

Après avoir fait l’aveu des faiblesses les plus ordinaires à la race humaine : — Je crains, mon père, dit Colomb, que mon esprit ne se soit trop exalté au sujet de ce voyage : je me suis regardé comme spécialement choisi de Dieu pour quelque grande fin, plus que son infinie sagesse ne le voulait peut-être.

— Vous tombiez là dans une dangereuse erreur, mon fils ; et je vous engage à vous mettre en garde contre cet esprit de pharisaïsme. Dieu choisit ses agents, c’est une vérité incontestable ; mais prendre les impulsions de l’amour-propre pour les mouvements de l’esprit divin, c’est une funeste aberration chez l’homme. Il est dangereux pour quiconque n’a pas reçu ordination de l’Église, de se regarder comme un vase d’élection.

— Je fais tous mes efforts pour penser ainsi, mon père ; et pourtant je sens au fond de mon âme quelque chose qui me reporte constamment à cette opinion, qu’elle me soit inspirée par le ciel, ou que je doive la regarder comme une illusion. Je fais mes efforts pour dompter ce sentiment, mon père, et surtout