Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une armée de gens qui, d’après leur costume, étaient moitié domestiques, moitié soldats. Ce brillant étalage attirait la foule jusque sous les pieds chevaux, et parmi quelques prières pour le succès de l’ambassade il se mêlait beaucoup de sottes et absurdes conjectures, suivant l’usage des ignorants et des bavards, sur le motif probable et le résultat de ce voyage. Mais la curiosité a ses bornes, et le commérage même se lasse quelquefois ; et quand le soleil fut sur le point de se coucher, la plus grande partie de la multitude avait oublié le spectacle du matin, et n’y songeait pas plus qu’elle n’en parlait. Cependant, lorsque la nuit approcha, c’était encore le sujet de conversation de deux soldats qui faisaient partie de la garde de la porte occidentale, c’est-à-dire celle qui s’ouvrait sur la route de Burgos. Ces deux personnages passaient le temps de cette manière indolente, commune aux soldats qui sont de garde hors de leurs heures de faction, et l’esprit de discussion et de critique avait survécu en eux aux pensées et au tumulte de la journée.

— Si don Alonzo de Carbajal compte aller bien loin de cette manière, dit le plus âgé, il ferait bien d’avoir l’œil ouvert sur ceux qui le suivent ; car jamais l’armée d’Aragon n’a mis en campagne un corps plus misérablement équipé que celui qu’il a conduit aujourd’hui par la porte du sud, malgré l’éclat des housses et le son des trompettes. Je te dis, Diego, que nous aurions fourni à Valence des lances plus convenables pour figurer dans une ambassade royale ; oui, et des chevaliers plus dignes de les conduire que ceux d’Aragon. Mais si le roi est satisfait, il ne convient pas à des soldats comme toi et moi d’être mécontents.

— Il y a bien des gens qui pensent, Rodrigue, qu’on aurait mieux fait de réserver l’argent qu’on prodigue pour envoyer une lettre de la cour, et de payer les braves gens qui versent leur sang si courageusement pour subjuguer les Barcelonais rebelles.

— C’est toujours ainsi que les choses se passent entre le débiteur et le créancier, jeune homme. Don Juan vous doit quelques maravédis, et vous lui reprochez chaque enriquez qu’il dépense pour ses besoins. Je suis plus vieux soldat que vous, et j’ai appris l’art de me payer moi-même quand le trésor est trop pauvre pour m’épargner cet embarras.

— Cela pourrait être bon dans une guerre étrangère, quand on se bat contre les Maures ; par exemple. Mais après tout, ces Catalans sont aussi bons chrétiens que nous ; quelques-uns d’entre