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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/230

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— Oui, oui, ta Monica aurait dû être à la place de doña Isabelle, tant elle est savante et opiniâtre en toutes choses, qu’il s’agisse ou de ses devoirs comme femme, ou des tiens comme marin. C’est elle qui est ta reine, Pépé, comme tout Moguer en ferait serment, et il y a même des gens qui disent qu’elle voudrait gouverner le port comme elle te gouverne toi-même.

— Ne dis rien contre la mère de mon enfant, Péro, s’écria Pépé avec colère. Je puis souffrir que tu dises de moi tout ce que tu voudras ; mais celui qui parlera mal de Monica trouvera en moi un ennemi dangereux.

— Tu es hardi dans tes discours, Péro, quand tu es à cent lieues de ceux qui valent dix fois mieux que toi, dit une voix que Colomb reconnut à l’instant pour celle de Sancho Mundo ; et tu te mêles de railler Pépé relativement à Monica, quoique nous sachions tous qui a le commandement dans une certaine cabane, où tu es aussi doux qu’un dauphin mort, quel que tu puisses être ici. Mais c’est assez de folies en parlant de femmes, raisonnons d’après nos connaissances comme marins, si cela te convient ; et au lieu de faire des questions à un homme comme Pépé, qui est encore trop jeune pour avoir beaucoup d’expérience, interroge-moi, et je te répondrai.

— Eh bien, qu’as-tu à dire, toi, de cette terre inconnue qu’on nous dit être au-delà du grand Océan, où l’homme n’a jamais été, et où il n’est pas probable qu’il aille jamais avec un équipage comme celui-ci ?

— Je te dirai, idiot et bavard, qu’il fut un temps où l’on ne connaissait pas même les Canaries, — où les marins n’osaient passer le détroit, — où les Portugais ne connaissaient pas leurs mines de Guinée. J’ai été dans tous ces pays, et le noble don Christoval y a été aussi, comme je le sais par le témoignage de mes yeux.

— Et qu’ont de commun les mines du Portugal et la Guinée avec ce voyage à l’ouest ? Tout le monde sait qu’il y a un pays nommé l’Afrique, et qu’y a-t-il d’étonnant que des marins arrivent dans un pays dont on connaît l’existence ? Mais qui peut dire si l’océan a d’autres continents, plus que le ciel n’a d’autres terres ?

— C’est bien parler, Péro, dit un autre matelot, et Sancho aura à se creuser la tête pour répondre à cela.

— C’est bien parler pour ceux qui, comme les femmes, remuent