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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/239

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plus que des années de prudence, que des semaines passées dans la pénitence et les prières.

— Comment pouvons-nous savoir, Señora, si le cavalier dont vous parlez n’a pas eu ses semaines de pénitence et ses heures de prière ? demanda Luis qui avait enfin recouvré l’usage de la voix. S’il a été assez heureux pour avoir un confesseur consciencieux, il ne peut guère y avoir échappé, la prière étant si souvent prescrite en forme de pénitence. Il semble véritablement être un misérable, et je ne suis pas surpris que sa maîtresse ne fasse pas grand cas de lui. Le nom de cette dame est-il mentionné dans votre lettre ?

— Oui, Señor. Elle se nomme doña Maria de las Mercédès de Valverde. Elle est alliée de très-près aux Guzmans et à d’autres grandes maisons, et elle passe pour une des premières beautés de l’Espagne.

— Et c’est avec raison, s’écria Luis ; — et elle est aussi vertueuse que belle, et aussi prudente que vertueuse.

— Comment, Señor ! Est-il possible que vous connaissiez assez bien cette dame pour parler si positivement de sa beauté et de ses qualités ?

— Je l’ai vue, et par conséquent je puis juger de sa beauté. Quant à ses qualités, on peut en parler par ouï-dire. — Mais votre correspondant, Señora, vous dit-il ce qu’est devenu son amant maladroit ?

— On dit qu’il a de nouveau quitté l’Espagne, et l’on suppose qu’il est parti, chargé du déplaisir de nos deux souverains ; car on a remarqué que la reine ne prononce plus son nom. Personne ne sait où il est allé ; mais il n’y a guère de doute qu’il ne soit encore sur mer, et qu’il ne cherche de peu nobles aventures dans les ports du Levant.

La conversation changea d’objet, et bientôt l’amiral et ceux qui l’avaient accompagné se retirèrent pour retourner à bord de leurs bâtiments respectifs.

— En vérité, don Christoval, dit Luis en regagnant le rivage, seul avec le grand navigateur ; on obtient souvent de la renommée sans s’en douter. Quoique assez mauvais marin, et nullement pilote, je vois que mes exploits sur l’Océan font déjà du bruit dans le monde. Si Votre Excellence gagne par cette expédition seulement la moitié de la réputation dont je jouis déjà, il y a tout lieu de croire que votre nom ne sera pas oublié par la postérité.