Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pelle le Faux-Banc du Brésil, qui se trouve presque au centre de l’Océan. En un mot, tous ces signes qui avaient rapport aux mouvements des oiseaux et des poissons, et qui paraissent avoir produit tant d’effet non seulement sur les matelots employés dans cette grande entreprise, mais sur Colomb lui-même, avaient beaucoup moins d’importance réelle qu’on ne le croyait alors ; les navigateurs étant si peu accoutumés à se hasarder loin de la terre, qu’ils ne connaissaient pas les mystères du grand Océan.

Toutefois, malgré ces rapides et rares moments de joie et d’espérance, la méfiance et la crainte commençaient de nouveau à prendre l’ascendant parmi les matelots. Ceux qui avaient été mécontents dès l’origine saisissaient chaque occasion d’augmenter ces craintes ; et quand, le samedi 22 septembre, le soleil levant éclaira de ses rayons une mer calme, il se trouvait à bord des trois bâtiments bon nombre d’hommes disposés à former une coalition pour demander formellement à l’amiral de mettre à l’est le cap de ses caravelles, en lui disant :

— Nous avons fait quelques centaines de lieues avec un vent favorable sur une mer entièrement inconnue à l’homme ; enfin nous voici arrivés dans une partie de l’Océan où le vent semble nous manquer tout à fait, et où nous courons le danger d’être enfermés entre des masses d’herbes immobiles, ou d’échouer sur des îles submergées, sans aucun moyen de nous procurer de l’eau et des vivres.

De tels arguments ne manquaient pas de force dans un siècle où les hommes les plus savants étaient obligés de chercher à tâtons le chemin pour arriver à des connaissances plus exactes, à travers les brouillards de la superstition et de l’ignorance, et où la faiblesse dominante était d’ajouter foi, d’une part aux preuves visibles du pouvoir miraculeux de Dieu, et de l’autre à celles presque aussi irrécusables de l’ascendant des mauvais esprits auxquels il était permis d’influer sur les affaires temporelles de ceux qu’ils persécutaient.

Il fut donc fort heureux pour le succès de l’expédition qu’il s’élevât une légère brise du sud-ouest dans la matinée du jour dont nous venons de parler, car elle permit aux caravelles de prendre de l’aire et de sortir enfin de ces vastes champs d’herbes qui gênaient leur marche, et qui éveillaient les craintes des matelots. Comme il importait de se débarrasser des obstacles flot-