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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/311

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ment sphérique, est d’environ cinquante-six milles géographiques, il s’ensuit que Colomb avait avancé cette île sur la carte de plus de sept mille milles d’Angleterre du côté de l’est, distance qui excède considérablement deux mille lieues marines.

Tout cela était pourtant un mystère non seulement pour les matelots des trois caravelles, mais pour le grand navigateur lui-même, dont les pensées les plus hardies n’auraient jamais osé aller si loin. Toutefois un fait de cette nature ne saurait diminuer en rien la gloire des vastes découvertes qu’il fit ensuite, puisqu’il prouve dans quelles circonstances défavorables il conçut le plan de son expédition, et avec quel degré limité de connaissances il réussit à l’exécuter.

Tandis qu’on s’occupait ainsi de la carte dont il vient d’être question, il était curieux de voir la manière dont les marins surveillaient ses moindres mouvements, étudiaient l’expression de sa physionomie toujours grave, et cherchaient à lire leur destin dans la contraction ou la dilatation de ses yeux. Les officiers et les pilotes de la Santa-Maria étaient à ses côtés, et quelques vieux marins s’étaient hasardés à s’approcher de la table pour suivre des yeux la marche lente de la plume de l’amiral, ou entendre l’explication de quelque figure de géométrie. De ce nombre était Sancho Mundo, qui passait généralement pour un des meilleurs marins de la flottille, en tout ce qui n’exigeait pas ce genre de connaissances qu’on n’acquiert que par l’étude et dans les écoles. Colomb adressait la parole avec bonté même à ces derniers, cherchant à leur faire comprendre certaines parties de leur profession qu’ils voyaient pratiquer tous les jours sans en connaître les motifs ; et il leur faisait particulièrement remarquer la distance déjà parcourue et celle qui restait encore à franchir. Les plus jeunes et les moins expérimentés ne prenaient pas moins d’intérêt que les autres à ce qui se passait ; et, montés sur les agrès, on les voyait regarder avec attention la scène qu’ils avaient sous les yeux, écoutant la démonstration de théories que leur intelligence n’était pas plus en état de comprendre que leurs yeux ne pouvaient voir cette Inde si vivement désirée. À mesure que les hommes deviennent plus intelligents, ils s’occupent davantage d’abstractions, abandonnant le domaine des sens pour se réfugier dans celui de la pensée. Mais jusqu’à ce que ce changement arrive, ils sont tous singulièrement soumis à l’influence des choses positives. La parole parlée produit rarement autant