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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/33

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comme si cela n’eût pas suffi pour révolter le sang castillan, on vous a choisi ensuite le roi de Portugal, qui pouvait passer pour être d’une génération encore plus éloignée. Malgré toute mon affection pour vous, et quoique mon âme me soit à peine plus chère que votre personne, rien ne m’inspire pour vous plus de respect que la noble fermeté avec laquelle, toute jeune que vous étiez, vous avez refusé ce méchant roi qui voulait vous faire reine de Portugal.

— Don Henri est mon frère, Béatrix, et ton maître ainsi que le mien.

— Ah ! vous leur avez dit bravement à tous votre façon de penser, s’écria Béatrix les yeux étincelants et avec un sentiment d’exaltation qui lui fit oublier la réprimande que sa maîtresse venait de lui faire avec douceur ; et votre réponse était bien digne d’une princesse du sang royal de Castille. — On ne peut, leur dîtes-vous, disposer de la main des infantes de Castille sans le consentement des nobles du royaume. Et ils furent obligés de se contenter d’une réponse si convenable.

— Et pourtant, Béatrix, je vais disposer de la main d’une infante d’Espagne sans même consulter les nobles du royaume.

— Ne parlez pas ainsi, mon excellente maîtresse. Il n’y aura pas un brave et loyal cavalier, depuis les Pyrénées jusqu’à la mer, qui n’approuve votre choix du fond du cœur. Le caractère, l’âge et les autres qualités du prétendant font une différence sensible dans ce genre d’affaires. Mais quelque indigne que fût et que soit encore don Alphonse de Portugal d’être l’époux d’Isabelle de Castille, que dirons-nous de celui qui osa prétendre ensuite à votre main royale, — don Pedro Giron, le grand-maître de l’ordre de Calatrava ? Fi ! un Pachecho aurait pu se croire honoré s’il avait trouvé une Bobadilla pour relever sa race !

— D’indignes favoris avaient abusé de leur influence sur mon frère pour amener cette union mal assortie ; mais Dieu, dans sa sainte providence, jugea à propos de déjouer leurs projets en retirant inopinément de ce monde leur protégé.

— Oui, et s’il n’eût pas plu à sa bienheureuse volonté d’en disposer ainsi, d’autres moyens n’auraient pas manqué.

— Ta petite main, Béatrix, dit la princesse d’un ton grave, quoique avec un sourire d’affection, en prenant la main de son amie, n’était pas faite pour exécuter les menaces de celle à qui elle appartient.