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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/357

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une sorte, d’antichambre. Ils n’y restèrent qu’une minute, le cacique, après avoir dit quelques mots à une femme, ayant tiré un rideau ingénieusement fabriqué avec des herbes marines, et conduit son ami dans un appartement intérieur. Il ne s’y trouvait qu’une jeune femme dont Luis pensa que la qualité lui était suffisamment annoncée par le seul mot — Ozéma — qu’en entrant Mattinao prononça d’un ton affectueux. Luis salua cette beauté indienne aussi profondément que si c’eût été une grande dame de la cour d’Espagne. En se relevant, il fixa ses yeux sur les traits de la jeune créature, curieuse et à demi effrayée, qui était devant lui, et s’écria d’un ton qui exprimait un transport d’admiration mêlée de surprise :

— Mercédès !

Mattinao répéta ce nom du mieux qu’il put, le prenant évidemment pour un mot qui exprimait l’admiration ou la satisfaction. La jeune fille tremblante, qui avait provoqué cette exclamation, recula d’un pas, rougit, sourit, et répéta à son tour d’une voix douce et harmonieuse, — Mercédès ! — comme un être ingénu qui cherche à prolonger ce qui a été pour lui la source d’un plaisir innocent ; puis elle resta debout, les bras croisés sur sa poitrine, immobile, vivante image de l’étonnement. Comme il est nécessaire d’expliquer pourquoi, dans un tel moment, les pensées de Luis s’étaient reportées sur sa maîtresse, pourquoi sa langue en avait prononcé le nom, nous ferons d’abord une courte description de la personne et du costume d’Ozéma ; car tel était le nom de cette beauté indienne.

Toutes les relations s’accordent à décrire les aborigènes des Indes-Occidentales comme étant merveilleusement bien faits et ayant dans tous leurs mouvements une grâce naturelle qui fit l’admiration générale des Espagnols. La couleur de leur peau n’avait rien de désagréable, et celle des habitants d’Haïti en particulier n’était, dit-on, que d’une teinte un peu plus foncée que celle des Espagnols. Ceux qui n’étaient que rarement exposés aux rayons brûlants du soleil de ce climat, et qui restaient habituellement à l’ombre des bosquets ou dans l’intérieur de leurs habitations, comme les personnes qui ont les mêmes habitudes en Europe, auraient pu, par comparaison avec les autres, être regardés comme des blancs. Telle avait été la vie d’Ozéma, qui n’était pas la femme du jeune cacique, mais seulement sa sœur unique. D’après les lois d’Haïti, l’autorité d’un cacique se