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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/359

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pu faire envie à une reine ; et une grande plaque d’or pur, grossièrement travaillée, était suspendue à son cou par un collier de petites coquilles de la plus grande beauté. Ses jolis bras étaient ornés de bracelets de semblables coquilles ; et deux légers cercles d’or entouraient le bas de jambes aussi parfaites que celles de la Vénus qui orne le musée de Naples. Dans ce pays, la finesse des cheveux passait pour une preuve de haute naissance, et avec plus de raison que bien des gens dans nos contrées civilisées ne s’imaginent en trouver une dans la petite dimension du pied et de la main. Comme le pouvoir et les dignités suprêmes avaient passé de femme en femme dans sa famille depuis des siècles, les cheveux d’Ozéma étaient soyeux, doux, ondoyants, et noirs comme du jais. Ils couvraient ses épaules comme un manteau glorieux, et descendaient jusqu’à sa ceinture. Ce voile naturel était si léger, qu’on en voyait les extrémités agitées par le courant d’air qui soupirait doucement plutôt qu’il ne soufflait dans l’appartement.

Quoique cette créature extraordinaire fût l’échantillon le plus aimable des jeunes femmes que don Luis eût encore vues parmi les beautés sauvages des îles des Indes-Occidentales, ce ne fut pas tant ses formes gracieuses et arrondies, ni même les charmes et l’expression de sa physionomie, qui causèrent son étonnement, que sa ressemblance fortuite mais prononcée avec la maîtresse qu’il avait laissée en Espagne, et qui était depuis si longtemps l’idole de son cœur. Cette ressemblance seule lui avait fait prononcer le nom de Mercédès, dans le premier mouvement de la surprise. Si elles avaient été placées l’une près de l’autre, il eût été facile de découvrir entre elles certaines différences assez marquées, sans même s’arrêter à établir une comparaison entre l’expression intelligente et pensive de la belle Castillane, et l’air surpris, hésitant et à demi effrayé d’Ozéma. Cependant la ressemblance générale était si grande, que quiconque connaissait l’une ne pouvait manquer d’en être frappé en voyant l’autre. À la vérité, les traits de Mercédès avaient quelque chose de plus élégant et de plus délicat ; son front était plus noble, son œil animé par une plus haute intelligence ; son sourire était rendu plus radieux par les pensées et les sentiments, d’un esprit cultivé ; sa rongeur, plus vive, partait du sentiment intime d’habitudes de convention, et l’expression générale de sa physionomie était plus étudiée que