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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/370

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qu’on pourrait faire tomber du sommet ceux qui s’y seraient réfugiés. Dans l’intervalle qui séparait ces deux espèces de murs naturels, se trouvaient plusieurs fragments de rochers, protection suffisante contre les flèches ; et un espace couvert de verdure sur lequel un chevalier pouvait aisément déployer sa valeur. Notre héros vit aussitôt que cette position était très-forte, sinon imprenable, puisqu’on ne pouvait l’attaquer que de front. Il plaça Ozéma derrière un des fragments de rocher ; mais elle ne s’y tint qu’à demi cachée, l’intérêt qu’elle prenait à Luis, et l’inquiétude que lui causaient les mouvements des ennemis, la portant à découvrir de temps en temps sa tête et même son buste.

Luis était à peine en possession de ce poste qu’une douzaine d’Indiens se rangèrent en ligne en face de lui, à environ vingt-cinq toises ; ils étaient armés d’arcs, de massues et de javelines. N’ayant d’autre armure défensive que son bouclier, le jeune Espagnol aurait trouvé sa situation assez critique, s’il n’eût su que l’arc des Indiens n’était pas une arme très-formidable ; leurs flèches pouvaient certainement donner la mort quand elles étaient tirées à courte portée sur des corps nus ; mais il était douteux qu’elles pussent percer le velours épais qui couvrait tous les membres de Luis, et vingt-cinq toises étaient une trop grande distance pour inspirer une alarme bien sérieuse. Il resta donc en avant des rochers, car il avait besoin d’un espace libre pour pouvoir se servir de son sabre, et ce n’était que sur cette arme qu’il pouvait compter pour remporter une victoire qui semblait fort douteuse.

Il fut peut-être heureux pour notre héros que Caonabo ne fût pas du nombre de ceux qui l’attaquaient. Ce chef redoutable, qui avait poursuivi d’un autre côté une troupe de femmes fugitives, dans l’espoir de trouver Ozéma parmi elles, aurait sans doute décidé l’affaire sur-le-champ par une attaque générale dans laquelle le nombre l’aurait sans aucun doute emporté sur le courage. Ceux qui l’attaquaient en ce moment suivirent une autre marche, et commencèrent à bander leurs arcs. Un des plus habiles tireurs ajusta une flèche sur la corde du sien, et la fit partir ; mais glissant sur le bouclier du chevalier, elle frappa le rocher qui était sur le côté, aussi légèrement que s’il ne se fût agi que d’un combat simulé. Une autre flèche partit, et Luis, ne daignant pas lever son bouclier, la détourna d’un coup de sabre. Le sang-froid