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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/401

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l’amiral à faire faire d’amples robes de coton pour les femmes, et les belles formes d’Ozéma étaient alors soigneusement enveloppées d’un de ces vêtements ; elle cacha le bijou sous les plis, et le pressa tendrement sur son cœur comme un don de Luis. Ce n’était pas ainsi que le jeune homme envisageait les choses. Il avait seulement eu dessein de prêter cette croix dans un moment de péril extrême, et les superstitions de l’époque le portaient à penser sérieusement que c’était une véritable sauvegarde. Comme Ozéma n’était en aucune manière habile à vaincre les embarras que lui causait à chaque instant un vêtement auquel elle n’était pas habituée, quoique son goût naturel lui eût appris à le draper avec grâce autour de sa personne, le jeune homme l’avait aidée, sans y songer, à placer la croix dans sa nouvelle position, lorsqu’un violent roulis du vaisseau le força de soutenir la jeune fille en entourant sa taille avec son bras, cédant en partie au mouvement de la caravelle, mouvement assez violent pour faire perdre l’équilibre aux marins les plus expérimentés, et probablement aussi cédant à la tendresse de son propre cœur. Ozéma ne réprima point cette liberté, la première que notre héros se fût permise ; mais dans sa confiante innocence, elle s’appuya sur ce bras qu’elle croyait destiné, par-dessus tous les autres, à la protéger toute sa vie. Un instant après, sa tête s’appuya sur la poitrine de Luis, son visage tourné vers lui, et ses yeux fixés sur les siens.

— Tu es moins alarmée de cette terrible tempête, Ozéma, que je n’aurais pu l’espérer. Les craintes que j’éprouve pour toi m’ont rendu plus malheureux que je ne le croyais possible, et cependant tu ne me sembles pas troublée.

— Ozéma pas malheureuse, — pas besoin Haïti, — pas besoin Mattinao, — pas besoin aucune chose. — Ozéma heureuse maintenant, — avoir croix.

— Douce, naïve, innocente fille. Puisses-tu ne jamais connaître d’autres sentiments ! Mets toute ta confiance dans la croix.

— Croix Mercédès, — Luis Mercédès ! — Luis et Ozéma garder croix pour jamais.

Il fut peut-être heureux pour la jeune Indienne qu’au moment où elle exprimait ainsi son bonheur la Niña plongeât violemment sous les vagues, mouvement qui força Luis à abandonner sa taille, sous peine de l’entraîner avec lui dans sa chute. Il roula jusqu’à la place où Colomb se tenait debout, trempé d’eau et s’abritant à