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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/41

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— J’espère qu’on a remédié à cet accident. Peu de personnes de la maison de Transtamare ont beaucoup d’argent en ce moment d’épreuve, mais il n’en est point qui en soit entièrement dépourvue.

— Don Andrès n’est ni mendiant ni avare, Señora. Il est maintenant dans notre Castille. Je ne doute pas qu’il ne connaisse les juifs et les prêteurs d’argent ; et comme ils savent fort bien quelle est la valeur de ses terres, le roi de Sicile ne manquera de rien. J’ai appris aussi que le comte de Tréviño s’est conduit noblement envers lui.

— Le comte de Trévino se trouvera bien d’avoir agi avec cette libéralité. Mais, Béatrix, donne-moi tout ce qu’il faut pour écrire. Il convient que j’informe don Henri de cet événement, et de mon dessein de me marier.

— Mais, ma chère maîtresse, cela est contre toutes les règles. Quand une fille, noble ou non, veut se marier contre le gré de ses parents, l’usage est de conclure d’abord le mariage, et d’écrire, quand le mal est fait, pour demander la bénédiction.

— Assez, assez, esprit inconsidéré ! Tu as parlé, maintenant donne-moi des plumes et du papier. Le roi est non seulement mon seigneur et mon souverain, mais mon plus proche parent, et il devrait être mon père.

— Et doña Joanna de Portugal, sa royale épouse et notre illustre reine, devrait être votre mère ? Ce serait sans doute un excellent guide pour toute vierge modeste ! — Non, non, Señora, la reine votre mère était doña Isabelle de Portugal, et c’était une princesse bien différente de son indigne nièce.

— Tu te permets trop de licence, doña Béatrix, et tu oublies ce que je t’ai demandé. Je veux écrire au roi mon frère.

Il était si rare qu’Isabelle parlât d’un ton sévère, que son amie tressaillit et que les larmes lui vinrent aux yeux. Elle lui prépara tout ce qu’il fallait pour écrire avant d’oser lever les yeux sur elle pour s’assurer si elle était réellement en colère. Tout était calme et serein sur le front de la princesse, et Béatrix, voyant qu’elle était entièrement occupée de ce qu’elle avait résolu de faire et qu’elle avait déjà oublié son mécontentement, ne jugea pas à propos d’y faire allusion.

Isabelle écrivit alors sa célèbre lettre, dans laquelle elle parut oublier sa timidité naturelle pour parler uniquement en princesse. Par le traité de Toros de Guisando, qui avait déclaré nulles