Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signe aux trois gentilshommes qu’ils pouvaient le suivre dans cette espèce de conseil. Cette résolution subite, le roi la prit plutôt par suite de sa prudence habituelle que par aucun motif déterminé ; si son esprit était troublé d’une manière inaccoutumée, la prudence formait la base de sa religion comme de sa politique.

Lorsque les souverains et leurs trois courtisans eurent disparu, il ne resta plus que les princesses, la marquise de Moya et Mercédès. Les filles du roi se retirèrent bientôt après dans leurs appartements ; ainsi notre héroïne, sa tutrice et Sancho se trouvèrent seuls dans le salon, le dernier toujours à genoux et ayant à peine fait attention à ce qui s’était passé, tant il était occupé de sa propre situation et de ses sujets particuliers de satisfaction.

— Tu peux te lever, l’ami, dit doña Béatrix. Leurs Altesses ne sont plus ici.

À cette nouvelle, Sancho quitta son humble posture, brossa ses genoux avec sa manche, et regarda autour de lui avec le même calme qu’il montrait habituellement sur mer lorsqu’il étudiait les cieux.

— D’après la manière dont tu viens de parler, et puisque l’amiral t’a envoyé ici en courrier, tu faisais partie de l’équipage de Colomb, l’ami ?

— Vous pouvez le croire, Señora, Votre Excellence, car j’ai passé presque tout mon temps au gouvernail, qui n’était pas éloigné de la place que don Christophe et le señor de Muños aimaient tant ; car ils ne la quittaient presque jamais, excepté pour dormir, et pas toujours encore.

— Aviez-vous un señor de Muños sur votre bâtiment ? reprit la marquise, faisant signe à sa pupille de contenir ses sentiments.

— Oui ! nous en avions un, Señora, et un señor Gutierrez, et un certain don quelque autre ; et tous les trois n’occupaient pas plus de place qu’un matelot. Mais je vous prie, honorable et agréable Señora, y a-t-il une doña Béatrix de Cabréra, marquise de Moya, dame de l’illustre maison de Bobadilla, quelque part dans la cour de notre gracieuse souveraine.

— C’est moi, et tu as un message pour moi de la part de ce señor de Muños dont tu parlais tout à l’heure.

— Je ne m’étonne plus qu’il y ait de grands seigneurs avec leurs belles dames, et de pauvres matelots avec des femmes que personne ne leur envie ! Je puis à peine ouvrir la bouche, que ce