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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/44

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Enfin pourtant, dans la soirée du 15 octobre 1469, tout obstacle étant aplani, don Ferdinand monta à cheval, et sans autre suite que quatre personnes, dont faisait partie don Andrès de Cabréra, il se mit en chemin, sans aucune marque extérieure qui indiquait son haut rang, vers le palais de Juan de Vivéro. L’archevêque de Tolède, prélat actif et belliqueux qui était du parti de la princesse, se tenait prêt à recevoir le roi de Sicile et à le conduire en présence d’Isabelle.

Isabelle, n’ayant auprès d’elle que Béatrix de Bobadilla, attendait don Ferdinand dans l’appartement dont il a été parlé ; et par un de ces grands efforts dont la femme la plus timide est capable dans les occasions importantes, elle accueillit son futur époux avec la dignité d’une princesse et la réserve d’une femme. Ferdinand avait été préparé à trouver en elle autant de grâce que de beauté ; mais le mélange d’une modestie angélique et d’un air d’amabilité qui surpassait presque celle de son sexe, formait un tableau tellement ressemblant plutôt à ce qui doit se trouver dans le ciel qu’à ce qu’on espère rencontrer sur la terre, que le prince, quoique accoutumé à se conduire avec circonspection et à voiler toutes ses émotions, ne put s’empêcher de tressaillir, et que ses pieds parurent un instant enracinés au plancher, dans le premier moment où cette vision glorieuse se montra à ses yeux. Revenant promptement à lui, il s’avança avec empressement, et prenant la petite main qui ne venait pas au-devant de la sienne, mais qui ne se retirait pas, il y appuya ses lèvres avec une ardeur qui accompagne rarement la première entrevue de ceux dont les passions sont ordinairement factices.

— Cet heureux moment est enfin venu, mon illustre et belle cousine, dit-il avec un accent de vérité qui alla directement au cœur tendre et pur d’Isabelle ; car nulle science du langage des cours ne peut jamais donner à la voix du mensonge la force et l’emphase qui appartiennent à la véracité. — J’ai cru qu’il n’arriverait jamais ; mais grâce à saint Jacques, dont je n’ai cessé d’implorer l’intercession, il me dédommage amplement de toutes mes inquiétudes.

— Je remercie le prince d’Aragon, et il est le bienvenu à Valladolid, dit Isabelle avec modestie. Les difficultés qu’il a fallu aplanir pour arriver à cette entrevue ne sont que l’emblème de celles que nous aurons à surmonter en avançant dans la vie.

Elle lui témoigna ensuite l’espoir qu’il n’avait manqué de rien