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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/440

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souri, et dont on peut dire qu’à chaque instant l’âme est en danger de périr ?

— Il faut prendre soin de cette âme, Béatrix, et sans aucun délai. — Mais cette princesse est-elle réellement assez belle pour l’emporter sur notre aimable doña Mercédès ?

— Ce n’est pas cela, Señora, ce n’est pas cela. Les hommes sont volages, et il leur faut de la nouveauté. D’ailleurs la retenue modeste des mœurs civilisées a quelque chose de moins attrayant pour eux que la liberté de celles qui considèrent les vêtements eux-mêmes comme chose superflue. Je n’ai pas dessein de jeter des doutes sur la pudeur d’Ozéma, — d’après ce que j’ai vu d’elle, je la crois irréprochable à cet égard ; — mais l’imagination déréglée d’un jeune étourdi peut trouver dans ses manières, qui sentent la liberté de la nature, et dans sa personne à demi vêtue, un attrait momentané qu’il ne trouverait pas dans les manières et la parure d’une Espagnole de haute naissance, qui a appris à se respecter rigidement, elle et tout son sexe.

— Cela peut être vrai pour des hommes vulgaires, Béatrix ; mais des motifs si indignes ne sauraient avoir influé sur la conduite du comte de Llera. Si votre neveu a été inconstant, comme vous le supposez, il faut que cette princesse indienne soit fort au-dessus de ce que vous la croyez.

— Vous pourrez bientôt en juger vous-même, Señora, car voici Mercédès qui vient nous avertir que l’Indienne est prête à recevoir l’honneur de la visite de Votre Altesse.

Notre héroïne avait préparé Ozéma à la visite de la reine. La jeune Indienne possédait alors suffisamment la langue espagnole pour que les communications verbales avec elle fussent intelligibles, quoiqu’elle parlât d’une manière décousue et en femme pour qui ce langage était encore tout à fait nouveau. Elle comprit fort bien qu’elle allait recevoir la visite de cette souveraine chérie dont Luis et Mercédès lui avaient si souvent parlé avec respect. Accoutumée à voir des caciques plus puissants que son frère, il ne fut pas difficile de faire comprendre à la jeune Indienne que la dame qui allait se présenter devant elle était la première de son sexe en Espagne ; la seule méprise que commit Ozéma, fut de croire qu’Isabelle était reine, non d’un pays particulier, mais de tout le monde chrétien ; car, dans son imagination, Luis et Mercédès étaient revêtus de la dignité royale.

Quoiqu’elle fût préparée à voir une jeune fille d’une grande