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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/442

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elle s’est imaginé que Mercédès est un mot espagnol qu’on applique à tout ce qui est parfait ou excellent ; et elle le joint à tout ce qu’elle veut louer d’une manière toute particulière. Votre Altesse a fort bien remarqué qu’elle réunit le nom de Luis à celui de Mercédès ; union que nous avions vivement souhaitée, mais qui paraît impossible désormais, et que la princesse doit être la dernière à désirer.

— Oui, il y a ici quelque étrange illusion, dit la reine ; mais cette idée a dû naître dans son esprit par une cause toute particulière, car de pareilles choses ne peuvent être dues au hasard. Ni l’amiral ni personne de son équipage ne connaissaient votre pupille ; votre neveu est donc le seul qui puisse avoir appris à la princesse à regarder le nom de Mercédès comme un signe d’excellence et de perfection.

— Señora ! s’écria Mercédès, une rongeur subite faisant disparaître la pâleur de ses joues, et ses yeux brillant de plaisir ; cela serait-il possible ?

— Pourquoi non, ma fille ? Nous pouvons avoir jugé trop à la hâte dans cette affaire, et pris des signes de dévouement à votre personne pour des preuves d’inconstance et de légèreté.

— Ah, Señora ! — Mais cela ne peut être, sans quoi Ozéma ne l’aimerait pas tant.

— Comment savez-vous, ma fille, que la princesse ait pour le comte d’autres sentiments que celui de la reconnaissance pour les soins qu’elle a reçus de lui, et pour l’inappréciable service qu’il lui a rendu en lui faisant connaître les mérites de la croix de notre Sauveur ? — Il y a ici quelque erreur, Béatrix.

— Je crains qu’il n’y en ait pas, Votre Altesse. Quant à la nature des sentiments d’Ozéma, on ne peut s’y méprendre ; elle est trop simple et trop naïve pour connaître la dissimulation. Que son cœur soit tout entier à Luis, c’est ce que nous avons vu dès les premières heures de notre connaissance ; et ce cœur est trop pur pour s’être donné sans avoir été recherché. Le sentiment qu’éprouve cette Indienne n’est pas seulement de l’admiration, c’est une passion ardente dont la chaleur égale celle du soleil qui, dit-on, darde ses rayons brûlants sur son pays natal.

— Señora, était-il possible de voir si souvent don Luis au milieu de circonstances faites pour mettre à l’épreuve ses qualités guerrières ; était-il possible, au milieu de tant d’occasions