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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/447

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plaudir à un succès qui surpassait tellement l’attente qu’on en avait conçue. Tous les yeux étaient fixés sur lui, toutes les oreilles écoutaient avec avidité chaque syllabe qui sortait de sa bouche, toutes les voix s’élevaient pour faire son éloge. Dans une pareille occasion, on s’attendait naturellement à entendre Colomb donner quelques détails sur son voyage et ses aventures. Ce n’était pas une tâche facile, car le résultat de ce récit ne pouvait être que de montrer quelle était la supériorité de sa sagacité, de son jugement, de son habileté et de sa persévérance, sur l’esprit et les connaissances de son siècle. Il s’en acquitta pourtant avec adresse, et de manière à se faire honneur, en appuyant principalement sur les circonstances qui pouvaient ajouter à la gloire de l’Espagne et à la puissance des couronnes de Castille et d’Aragon.

Luis de Bobadilla était du nombre des convives. Il devait cette invitation, partie à son haut rang, partie à la confiance et à l’amitié particulière que l’amiral lui témoignait ouvertement. Son intimité avec Colomb était plus que suffisante pour effacer les impressions quelque peu défavorables que les légèretés de jeunesse de Luis avaient laissées dans quelques esprits, et l’on suivait presque sans le vouloir l’exemple du grand homme, sans chercher à pénétrer le motif ou le but de sa conduite. Le sentiment intime qu’il avait fait ce que peu d’hommes de son rang auraient jamais entrepris, donnait aux traits nobles et fiers de Luis un air de dignité et d’élévation qu’on n’y avait pas remarqué jusqu’alors, et qui l’aidait à se maintenir dans la bonne opinion qu’il avait, à tout autre égard, achetée à si bon marché. La manière dont il avait raconté à Pierre Martir et à ses jeunes amis les principaux événements de l’expédition n’avait pas été oubliée ; et, sans savoir exactement pourquoi, le monde commençait à l’associer, d’une manière mystérieuse, au grand voyage à l’ouest. Grâce à ces circonstances accidentelles, notre héros recueillait réellement quelques avantages de son esprit entreprenant, quoique par des moyens qu’il n’avait certes pu prévoir. Ce résultat n’a rien de bien étonnant ; car les hommes reçoivent aussi souvent l’éloge ou le blâme pour des actes nullement prémédités que pour ceux dont la raison et la justice les rendraient rigoureusement responsables.

— Je porte la santé du señor l’Amiral de Leurs Altesses sur l’océan des Indes ! s’écria Luis de Saint-Angel, levant son verre