Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sérieuses : l’une est la difficulté tirée de l’Écriture Sainte ; l’autre, c’est l’étendu immense, incompréhensible et même inutile de l’océan qui doit nous séparer du Cathay ; sans quoi nous aurions entendu parler depuis longtemps de cette partie du monde.

— Les savants embrassent-ils les idées de cet homme ?

— Cette question a été sérieusement discutée dans un concile tenu à Salamanque, et les opinions ont été partagées. Un des plus grands obstacles, c’est la crainte que si le monde était réellement rond, et qu’un bâtiment pût réussir à arriver au Cathay en faisant voile à l’ouest, il ne lui fût très-difficile d’en revenir, car, de manière ou d’autre, il doit y avoir à monter comme à descendre. Je crois qu’en général on rit des idées de ce Colon, et je crains qu’il ne voie jamais son île de Cipango, car il me paraît encore bien loin de pouvoir commencer son voyage. Je suis surpris qu’il soit encore ici ; on avait dit qu’il était parti pour le Portugal.

— Ne m’avez-vous pas dit, mon père, qu’il est depuis longtemps en Espagne ? demanda don Luis d’un air grave, ses yeux attachés sur Christophe Colomb, qui, à peu de distance de l’endroit où le moine et le jeune homme étaient assis, regardait le spectacle pompeux du triomphe avec un air de dignité calme.

— Il y a déjà passé sept années à solliciter des riches et des grands les moyens nécessaires pour entreprendre son voyage favori.

— A-t-il donc l’argent nécessaire pour de si longues sollicitations ?

— D’après les apparences, je le croirais pauvre ; je sais même qu’il a travaillé, pour gagner son pain, à faire des cartes géographiques ; il passait une heure à discuter avec les philosophes et à solliciter les princes, et celle d’après à travailler pour la nourriture indispensable à son existence.

— Vos discours, mon père, ont tellement aiguisé ma curiosité, que je voudrais n’entretenir avec ce Colon. Je vois qu’il reste là-bas debout au milieu de la foule ; je vais aller le trouver, je lui dirai que, moi aussi, je suis un peu navigateur, et je tirerai de lui quelque chose de ses idées particulières.

— Et de quelle manière feras-tu connaissance avec lui, mon fils ?

— En lui disant que je suis don Luis de Bobadilla, neveu de doña Béatrix, marquise de Moya, et issu d’une des plus nobles familles d’Espagne.

— Et tu crois que cela suffira pour ton dessein, Luis ? dit le