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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/68

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devait se regarder comme la partie obligée et honorée dans la conversation qui allait avoir lieu. — Mais, Señor, continua Colomb, vous avez oublié de m’apprendre le nom du jeune cavalier.

— Il se nomme don Luis de Bobadilla, jeune homme dont les meilleurs droits à votre attention sont peut-être un esprit aventureux et aimant à courir le monde, et le fait qu’il a pour tante votre honorable amie la marquise de Moya.

— L’un ou l’autre suffirait, mon père. J’aime un esprit entreprenant dans les jeunes gens. Il y est implanté sans doute par la main de Dieu pour qu’ils servent d’instruments aux desseins de sa haute sagesse et de sa bienfaisance, et c’est dans de pareils hommes que je dois trouver mon principal soutien en ce monde.

— Ensuite, après le père Juan Pérez de Marchéna et le señor Alonzo de Quintanilla, je compte doña Beatrix parmi mes plus fermes appuis : son neveu doit donc être certain de mon estime et de tous mes égards.

Ce langage sonnait d’une manière assez extraordinaire aux oreilles de don Luis ; car si le costume et tout l’extérieur de cet homme qui parlait bon castillan, quoique avec un accent étranger, étaient respectables, il avait appris, lui, que c’était un pilote, un navigateur, qui gagnait son pain par son travail ; et la noblesse de Castille n’était pas habituée à être regardée avec un air de faveur et de condescendance par des hommes qui n’avaient pas l’honneur d’être issus du sang des princes. Il se sentit disposé d’abord à se fâcher du langage de l’étranger, puis à lui rire au nez ; mais voyant que le père Pédro le traitait avec beaucoup de déférence, et l’extérieur de l’homme à projets lui imposant malgré lui, non seulement il réussit à se comporter convenablement, mais il lui répondit avec une courtoisie digne de son rang et de son savoir vivre. Tous trois se retirèrent alors un peu à l’écart de la plus grande foule, et trouvèrent à s’asseoir sur le rebord d’un rocher car il y en avait un assez grand nombre dans les environs.

— Don Luis a voyagé dans des pays étrangers, à ce que vous me dites, mon père, dit Colomb, qui ne manqua pas de prendre le dé dans la conversation, en homme qui semble croire que son rang ou sa personne lui en donne le droit, et il désire connaître les merveilles et les périls de l’Océan ?

— Tel a été son mérite ou son défaut, Señor. S’il avait écouté les désirs de doña Béatrix ou suivi mes conseils, il n’aurait pas