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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/97

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maison trop illustre pour avoir besoin qu’un héraut proclame ses titres et ses alliances. Cela n’est nécessaire qu’aux gens obscurs dont le monde se met peu en peine. — Marquise ma fille, ajouta-t-elle, délivrant Mercédès d’une sorte de torture en se tournant vers son amie, ce neveu dont on me parle est un coureur déterminé ; mais je doute qu’il se décidât à entreprendre une expédition semblable à celle de Colon, et qui a pour but la gloire de Dieu et le bien du royaume.

— En vérité, Señora… s’écria Mercédès ; mais elle réprima son zèle par un effort qui en triompha.

— Vous alliez parler, doña Mercédès, dit la reine avec gravité.

— Je demande pardon à Votre Altesse ; j’avais tort, car ce n’était pas à moi que vous aviez adressé la parole.

— Ce n’est pas ici la cour de la reine de Castille, mon enfant, c’est l’appartement privé d’Isabelle de Transtamare, dit la reine voulant adoucir l’effet qu’avait produit sur Mercédès ce qui s’était déjà passé. Le sang de l’amiral de Castille coule dans vos veines, vous êtes même parente de notre seigneur le roi. Parlez librement.

— Je connais toutes vos bontés pour moi, Señora, et c’est ce qui fait que je me suis presque oubliée. Tout ce que j’avais à dire, c’est que don Luis désire excessivement que le señor Colon obtienne les caravelles qu’il sollicite, et qu’il lui soit accordé à lui-même la permission de l’accompagner.

— Cela est-il possible, Béatrix ?

— Luis aime à courir le monde, Señora, on ne peut le nier ; mais ce n’est pas par des motifs ignobles. Je l’ai entendu exprimer vivement le désir d’être un des compagnons de Colon, si Votre Altesse jugeait à propos d’envoyer ce Génois à la recherche du Cathay.

Isabelle ne répondit rien, mais elle laissa tomber son ouvrage sur ses genoux, et passa quelques minutes dans un silence passif. Pendant cet intervalle, personne ne se permit de parler, et Mercédès se replaça doucement sur son tabouret aux pieds de l’infante. Enfin la reine se leva, et, traversant l’appartement, s’approcha de Ferdinand, qui était encore occupé à écrire. Elle s’arrêta un instant devant lui, comme si elle eût hésité à l’interrompre ; mais bientôt elle lui appuya doucement une main sur l’épaule pour attirer son attention. Le roi, comme s’il eût su de