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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/99

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aussi artificieuse que celle d’un patriote moderne songeant à son avancement, notre épouse royale désire qu’il soit fait immédiatement une enquête sur cette affaire de Colon. Notre volonté à tous deux est que vous en soyez chargé, que vous la preniez en mûre considération, et que vous nous fassiez connaître votre opinion sous vingt-quatre heures. Nous allons vous donner les noms de ceux qui vous sont adjoints dans cette mission.

Tandis que Ferdinand donnait ces instructions au prélat, celui-ci lisait dans l’expression des yeux du monarque et dans la froideur de sa physionomie, des intentions sur lesquelles son esprit et son expérience ne lui laissèrent aucun doute ; il accepta la mission, reçut du roi les noms de ceux qu’il devait s’adjoindre, et dont Isabelle désigna un ou deux, et resta ensuite pour prendre part à la conversation.

— Ce projet de Colon mérite une sérieuse attention, dit le roi quand ces préliminaires furent terminés ; et nous veillerons à ce qu’il soit complètement examiné. On assure que cet honnête navigateur est un excellent chrétien.

— J’en suis très-convaincue, Ferdinand. Si Dieu permet que son entreprise réussisse, il a dessein de tenter un nouvel effort pour reprendre le saint sépulcre aux infidèles.

— Oh ! oh ! c’est un dessein très-méritoire ; mais nous prenons de meilleurs moyens pour servir la foi. Par la conquête que nous venons de faire, Isabelle, nous avons arboré la croix où l’on voyait flotter naguère les bannières de l’infidélité, et Grenade est si près de la Castille, qu’il ne nous sera pas difficile d’y maintenir nos saints autels. Telle est du moins l’opinion d’un laïque, digne prélat.

— Et c’est une opinion aussi juste que sage, Señor, répondit l’archevêque. Il est à propos de chercher à posséder ce qu’on peut conserver, car nous perdons nos peines en nous occupant de choses que la Providence a placées si loin de nous, qu’elle ne semble pas nous les avoir destinées.

— Il y a, dit la reine, des gens qui, en entendant énoncer cette opinion par une autorité aussi haute que la vôtre, archevêque de Grenade, en concluraient qu’on ne doit faire aucune tentative pour recouvrer le saint sépulcre.

— En ce cas, Señora, ils comprendraient mal mes paroles, répondit à la hâte le politique prélat. Toute la chrétienté doit désirer de chasser les infidèles de la terre sainte, mais il vaut