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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/141

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du vent, résolut d’essayer l’effet de la poudre. Il tira son canon de chasse, et le boulet, qui n’était que de douze livres, vint, de ricochets en ricochets, tomber sous notre étrave, à cent brasses de distance. C’était une preuve incontestable que le jeu ne pouvait pas durer beaucoup plus longtemps, à moins que l’intervalle qui séparait les bâtiments ne vînt à s’augmenter sensiblement. Heureusement, nous étions alors à l’ouvert du fort Montauk, et nous avions l’alternative ou de doubler cette pointe et d’entrer dans la passe, ou de gouverner vers Block-Island, en prenant nos jambes à notre cou. Après une courte conférence avec Marbre, ce fut au premier parti que je m’arrêtai.

Un des avantages matériels d’un vaisseau de guerre qui chasse un bâtiment marchand, c’est de pouvoir ferler ou déferler les voiles avec plus de rapidité. Je savais que du moment où nous commencerions à toucher à nos amarres et à nos écoutes, le Leander en ferait autant, et que la même manœuvre que nous mettrions deux minutes à exécuter serait faite par lui en une minute. Néanmoins il fallait bien en venir là, et nous fîmes nos apprêts avec autant de soin que d’activité. Ce n’était pas une grande affaire de haler les bras du vent, jusqu’à ce que les vergues fussent presque carrées ; mais pousser les boute-hors et établir les bonnettes, c’était un travail qui demandait plusieurs minutes. Marbre proposa qu’en faisant porter graduellement, nous missions le Leander par notre hanche assez pour que notre voilure de l’arrière lui masquât nos mouvements de l’avant. Je trouvai l’idée bonne, et je me mis sur-le-champ en devoir de l’exécuter.

Il n’était pas douteux que les longues-vues des Anglais ne fussent braquées sur nous. Il fallait donc user d’adresse pour parvenir à brasser les vergues sans être vu.

Pour cela, je fis coucher les hommes sur le pont pour exécuter la manœuvre. Nous amenâmes ainsi nos vergues presque carrées, ou du moins autant que le demandait la nouvelle direction que je voulais suivre, quand j’envoyai du monde en haut pour pousser les boute-hors sous le vent. Mais nous avions compté sans notre hôte : John-Bull ne s’y laissa pas prendre. À peine nos matelots étaient-ils dans le gréement de l’avant sous le vent, que je vis le Leander arriver à la même route que nous, les vergues brassées carrées, et tout indiquant qu’il avait comme nous des bonnettes à bâbord. Le changement de route eut pourtant un bon résultat : il amena le Leander si