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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/145

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le choix de la direction à suivre. En consultant les cartes, il était évident que nous étions alors en dedans des récifs, et qu’il ne nous restait d’autre alternative que de donner à la côte ou de passer par le chenal de Marbre. Ce fut à ce dernier parti que je m’arrêtai, et je réussis au delà de toute espérance ; car l’Anglais se hala dans le vent quand il crut s’être approché du danger autant que le permettait la prudence, et il abandonna la chasse. Je continuai à faire voile vers le nord pendant une heure, et alors, voyant que nous n’apercevions plus que le sommet des mâts du Leander qui portait au sud-ouest, je rentrai nos bonnettes de bâbord, je vins debout au vent, et je mis de nouveau au large, à l’est de Block-Island.

On peut se faire une idée des transports de joie qui éclatèrent à bord de l’Aurore, quand on se vit délivré de toute crainte de poursuite. Le lendemain, au lever du soleil, nous vîmes à une grande distance, à l’ouest, une voile que nous supposâmes être le Leander ; mais elle ne nous donna pas chasse. Marbre et les matelots étaient enchantés d’avoir, disaient-ils, damé le pion à John-Bull ; mais néanmoins cet incident me rendit prudent, et je résolus de ne plus m’approcher autant d’un bâtiment de guerre, si je pouvais l’éviter.

Pendant les vingt jours qui suivirent, aucun incident ne signala notre voyage. Nous doublâmes le banc de Terre-Neuve par quarante-six degrés de latitude, et nous nous dirigeâmes vers l’extrémité occidentale de l’Angleterre en aussi droite ligne que les vents le permettaient. Pendant quelques jours, je fus incertain si je devais porter ou non vers le nord, pensant que je rencontrerais moins de croiseurs en doublant l’Écosse qu’en remontant la Manche. Cette dernière route était de beaucoup la plus courte ; quoique, à cet égard, le vent déjoue souvent tous les calculs. Pendant les deux tiers de la traversée, il resta constamment au sud-ouest ; mais dans le vingtième degré de latitude est de Greenwich, nous rencontrâmes des vents de nord-est, et comme notre meilleur bord était sur le bâbord, je gouvernai pendant dix jours au sud-est. Nous nous trouvâmes ainsi sur la route de tout ce qui allait dans la Méditerranée ou qui en revenait ; et si nous avions suivi cette direction plus longtemps, nous aurions atterri dans les environs du golfe de Gascogne. Mais je savais que, dès que nous serions dans les eaux d’Europe, je trouverais l’océan couvert de croiseurs anglais ; et nous virâmes