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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/16

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L’incident du matin, et la présence de mistress Drewett et de ses filles, amenèrent un changement complet dans nos relations et dans nos habitudes. Les dames restèrent la plupart du temps en bas, et le docteur défendit à Drewett de se lever avant que ses forces fussent complètement revenues. M. Hardinge passa la plus grande partie du jour auprès de lui, lui prodiguant les soins qu’un père donnerait à son fils ; du moins, ce fut sous ce point de vue que je les appréciai. Marbre et moi nous restâmes presque exclusivement en possession du gaillard d’arrière, quoiqu’on vînt quelquefois nous rendre quelques visites.

Cependant le Wallingford continuait à remonter le fleuve, favorisé jusqu’au soir par une légère brise du sud. Il laissait derrière lui toutes les embarcations ; et au moment où le soleil se cachait derrière les montagnes de Cattskill, nous étions à quelques milles au-dessus de l’embouchure de la rivière qui leur donne son nom.

C’était la première fois que je remontais ce fleuve aussi haut, et, à l’exception de M. Hardinge, toute la société était dans le même cas que moi ; aussi, se réunit-on sur le pont, pour jouir du charmant coup d’œil qui s’offrait à nos yeux ; c’est peut-être le point de vue le plus ravissant de l’Hudson. On parle toujours des Highlands, comme le badaud de Londres parle toujours de Richmond, qui est bien loin de valoir la vue de Montmartre. Sans doute, les Highlands ont leur mérite ; mais que de vues de montagnes on peut leur préférer ! tandis que l’Hudson, dans les parties riantes et gracieuses de ses rives n’a de rival nulle part.

Un coucher du soleil ne peut durer toujours ; et celui-ci, tout ravissant qu’il fût, eut aussi son terme. Les dames quittèrent aussi successivement le pont, et, comme le vent tombait, et que la marée nous était contraire, je me décidai à jeter l’ancre. Marbre et moi nous avions dans la cale une sorte de chambre de conseil disposée pour nous, et je ne fus pas fâché de m’y retirer, ayant vraiment besoin de repos, après une journée aussi pénible. Que se passa-t-il dans les autres chambres dans la soirée, je n’eus pas occasion de le savoir ; mais longtemps après que ma tête reposait sur l’oreiller, j’entendis de loin des voix de femmes, qui semblaient avoir entre elles une conversation joyeuse et animée ; et lorsque Marbre vint me rejoindre, il me dit qu’en effet ces dames, remises complètement de leur frayeur, causaient de la manière la plus aimable, et que lui-même avait eu beaucoup de plaisir à les écouter.