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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/160

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— Et vous paraissez être Anglais ou Américain ? car j’avoue que je ne suis guère en état de distinguer entre les habitants des deux pays, quoique sans doute il y ait une grande différence.

— Je suis Américain de naissance, comme l’ont été tous mes ancêtres.

— Voilà qui est remarquable ! Eh bien ! je n’y connais rien. Mais si vous êtes Américain, je ne vois pas pourquoi le sucre et le café n’auraient pas la même origine. Quoi qu’il en soit, lord Harry nous a répété que nous ne pouvions pas prendre trop de précautions ; et, sans savoir ses motifs, je dois obéir. Savez-vous par hasard d’où provient ce sucre ?

— De cannes, qui sont, je crois, à Saint-Domingue.

— Saint Domingue ! n’est-ce pas une île française ?

— Oui, en partie, Monsieur ; quoique les Espagnols et les nègres en disputent la possession aux Français.

— Il faut en vérité que j’informe lord Harry de tout cela ! Je suis désolé de vous retenir, capitaine Wallingford, mais mon devoir m’oblige à envoyer un aspirant à bord du Rapide pour y prendre des instructions.

Je n’avais pas d’objection plausible à faire : l’aspirant retourna donc à la frégate. Pendant ce temps, Sennit n’était pas resté oisif. Au nombre de nos matelots se trouvaient un Suédois et un Prussien ; et comme ils avaient appris ce qu’ils savaient d’anglais à Londres ou à Liverpool, il affecta de croire qu’ils étaient nés dans la vieille île, et il leur dit de préparer leur bagage. Néanmoins ni l’un ni l’autre ne se montraient disposés à obéir, et quand je vins me mêler au groupe, laissant l’honorable M. Powlett attendre sur le gaillard d’arrière le retour du canot, je les trouvai tous les trois livrés a une chaude discussion.

— Voyons, monsieur Wallingford, me cria Sennit dès qu’il m’aperçut, faisons un compromis. Voilà deux gaillards qui sont de vrais Lancastriens, si la vérité était connue, et qui se prétendent de la Norvège, de la Laponie ou de je ne sais quelle autre terre perdue. J’aurais voulu les enrôler sous la bannière de Sa Majesté ; mais puisqu’ils montrent tant de répugnance à recevoir cet honneur, je consentirai à prendre à la place ce bel homme du comté de Kent, qui les vaut bien tous les deux ensemble.

En disant ces mots, Sennit me montrait Tom Voorhees, jeune