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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/184

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brasses. Ce qui nous l’apprit, c’est qu’il arbora le pavillon yacht au mât de misaine. De ce moment, je n’eus plus aucune inquiétude sur le compte de Sennit et de ses compagnons. Vingt minutes après, nous vîmes le navire coiffer son grand hunier, et, à l’aide des longues-vues, nous distinguâmes clairement le canot qui l’élongeait. Après quelque délai, la yole fut hissée à bord, et le bâtiment éventa son hunier. J’avais quelque curiosité de savoir ce qui se passerait ensuite. Sans doute Sennit engagea le capitaine à nous donner la chasse ; car dès que le navire prit de l’aire, il porta sur nous, toutes voiles dehors. Nous eûmes tout lieu de nous féliciter d’avoir employé nos moments de loisir à faire nous-mêmes de la voile ; car ayant une bonnette basse et deux bonnettes de hunier au moment où la chasse commença, je n’avais pas grande crainte d’être rejoint. Pour plus de sûreté, néanmoins, nous établîmes nos perroquets.

Quand le bâtiment anglais porta sur nous, nous pouvions avoir deux lieues d’avance. Loin de perdre de cette distance, quoiqu’il portât des bonnettes de cacatois, nous l’étendîmes graduellement à trois lieues ; et alors, désespérant de nous rejoindre, le capitaine cargua ses voiles légères, et brassa de nouveau au vent, tournant le dos aux côtes d’Angleterre. J’appris plus tard que Sennit et ses compagnons avaient été débarqués aux Barbades, après une jolie traversée qui n’avait duré que vingt-six jours. Je ne fais aucun doute qu’ils mirent beaucoup plus de temps à revenir. Ce qui est certain, c’est que, six mois après, aucun d’eux n’avait encore reparu en Angleterre. Nous étions enfin les maîtres du bâtiment, quoique avec un équipage très-diminué. Le jour était le temps convenable pour dormir. On se relaya au gouvernail, et ceux qui n’étaient pas de service consacrèrent au sommeil tout le temps que les repas laissaient de libre. Mais à six heures du soir tout le monde était sur le pont : il fallait faire nos dispositions pour la nuit.

Le vent était alors constant et favorable ; aucun bâtiment n’était en vue, et tout annonçait une nuit tranquille. Nous avions fait cent milles dans la journée, et je calculais que la distance jusqu’à Brest, devait être de moins de quatre cents milles. En me rapprochant de la terre, je pourrais choisir entre tous les ports de France, de Cherbourg à Bayonne.

— Eh bien ! Moïse, dis-je à mon vieux camarade quand nous eûmes fini nos observations, tout s’annonce assez bien. Tant que le