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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/187

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L’Aurore, de New-York. — Et puis-je demander le nom de votre lougre ?

Le Polisson, corsaire français. — Quel est votre chargement ?

— Du sucre, du café, avec de la cochenille et quelques autres articles.

— Peste ! — Où allez-vous, Monsieur, s’il vous plaît ?

— À Hambourg.

— Diable ! Vous n’en prenez guère le chemin. Comment vous trouvez-vous donc ici, Monsieur, avec le vent au sud-ouest ?

— Nous allons à Brest, pour y chercher du secours.

— Du secours ? Eh ! vous n’avez qu’à parler ; qui peut vous en offrir mieux que nous ?

Je fus alors invité, en style de corsaire, à mettre un canot en mer, et à me rendre à bord du lougre avec mes papiers. Quand je répondis que je n’avais point de canot, le capitaine français manifesta quelque surprise, mais il envoya sa yole pour me chercher. Le capitaine me reçut en personne, et je vis, du premier coup d’œil, que j’avais affaire à des hommes qui battaient les mers pour chercher de l’or, tout en ayant toujours la crainte de tomber entre les mains des Anglais. Je ne fus pas invité à descendre dans la chambre, trou sale et obscur ; car, à cette époque, rien de plus mal tenu qu’un bâtiment français ; mais on me fit asseoir sur une cage à poules, et on me dit de montrer mes papiers.

Comme tout était en règle, le rôle d’équipage, l’état de la cargaison, les acquits, etc., je vis que M. Gallois n’était pas de très-bonne humeur. Il avait auprès de lui, pour l’aider dans son examen, un homme que je pris pour un déserteur anglais, sans que je pusse en être bien certain, vu le soin qu’il prit de ne jamais parler en ma présence. Après la vérification la plus minutieuse, sans avoir pu découvrir la moindre irrégularité dans mes papiers, ils eurent ensemble une longue conférence secrète. Alors M. Gallois s’approcha de moi et reprit l’entretien.

— Vous n’avez point de canot, Monsieur ? me demanda-t-il.

— Non, Monsieur, je l’ai perdu, il y a trois jours, à une centaine de lieues au sud-ouest.

— Et vos marins ? est-ce que vous les avez perdus aussi, pour en avoir si peu ?

Je vis que je ferais mieux de dire tout de suite toute la vérité ; car,