Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à bord des bâtiments français. Cette différence devint plus sensible encore quand il n’y eut plus de fumée ni de canonnade pour détourner l’attention des équipages respectifs. En une demi-heure le pont du Prince-Noir était dégagé de tout ce qui l’encombrait, tandis que son antagoniste s’agitait beaucoup sans que la besogne parût avancer. La même différence existait entre les deux autres frégates, quoiqu’à un moindre degré, le Cerf déployant, sous ce rapport, une activité mieux entendue que la Désirée. Quant au Rapide, je dois rendre à mon ancienne connaissance, lord Harry Dermond, la justice de dire qu’il ne montra pas moins d’habileté après le combat que pendant l’action. Je crois pouvoir assurer que l’honorable lieutenant Powlett ne lui fut pas d’une grande utilité ; il eût été beaucoup mieux à sa place ce jour-là dans le salon de madame sa mère. Sennit, lui, était en route pour les Barbades ; mais ces recruteurs de matelots par la presse ne font jamais grand-chose en face de l’ennemi.

Deux heures se passèrent ainsi. La Désirée et le Cerf s’étaient rangés alors plus d’un mille à l’est des frégates anglaises. Celles-ci les suivirent quand elles eurent réparé leurs avaries, mais avec une voilure moindre. Le Prince-Noir avait guindé dans l’intervalle trois mâts de hune de rechange, et il était prêt alors à établir les voiles. Le Rapide avait été moins actif ou moins habile, quoique de son côté il ne fût pas resté oisif. Les Anglais se dirigèrent alors rapidement vers leurs ennemis. M. Menneval laissa porter à temps cette fois ; et il ouvrit son feu de ses deux frégates à la fois, quand il n’était plus qu’à un demi-mille de distance. Cette hardiesse fut couronnée de succès. Le Prince-Noir, assailli avec impétuosité, vit tous ses mâts tomber l’un après l’autre, jusqu’à ce qu’il ne lui restât plus que trois tronçons de bas mâts, dont pas un ne s’élevait à plus de vingt pieds au-dessus du pont. Sir Hotham Ward ne s’était pas encore trouvé dans une position aussi critique. Il ne pouvait plus faire un pas en avant, si ce n’est en dérive, tant que tous les débris n’eussent été enlevés. Celui qui ne connaît pas la mer peut penser que ce n’est pas grand-chose que de couper des cordages à coups de hache ; mais le marin sait que c’est quelquefois une besogne des plus pénibles et des plus périlleuses. L’océan n’est jamais en repos ; et le bâtiment, qui n’est pas tenu comme en bride par sa voilure, roule de manière à ce qu’il soit très-difficile de marcher même sur le pont.

Les Français, tout acharnés qu’ils étaient à démâter le Prince-Noir,