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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/240

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sa bride avant de commencer sa course frénétique. Je cherchai où étaient les nègres, mais Neb était déjà au gouvernail ; ce brave garçon, qui avait l’instinct du marin au plus haut degré, avait compris l’accident qui était arrivé tout aussi vite que nous, et il s’était précipité à l’endroit du navire où ses services pouvaient être le plus utiles. D’un geste je lui fis comprendre qu’il fallait mettre la barre tout au vent, et d’un geste il me répondit que c’était déjà fait ; nous ne pouvions qu’en attendre le résultat dans une angoisse facile à comprendre.

L’Aurore présenta bientôt son travers à la tempête, qui la jeta sur le côté, au point de plonger dans l’eau les bras de ses basses-vergues ; alors elle surmonta ces masses d’écume qui bouillonnaient autour d’elle, et commença à aller lourdement de l’avant. Avant qu’elle fût le moins du monde sensible au gouvernail, trois lames successives balayèrent le pont, emportant tout ce qui n’était pas fortement amarré.

Après que cette œuvre de destruction fut terminée, l’Aurore commença à abattre, et son mouvement à travers l’Océan se fit manifestement sentir ; d’abord, elle s’élança vers la terre, courant pendant un demi-mille obliquement dans cette direction, avant de se trouver positivement vent arrière, ce qui devait lui faire suivre une ligne presque parallèle à la côte. Je pus enfin me porter avec Marbre à l’arrière sans trop de peine, et je mis la barre un peu à tribord pour m’éloigner autant que possible de la terre. Le vent était si favorable pour sortir du canal, que nous n’aurions pas couru de danger immédiat, si nous avions été à quelque distance de la terre ; mais notre bâtiment fuyait à peine depuis quelques heures devant la tempête, que nous vîmes la terre devant nous, la direction de la côte, dans cette partie de l’île, ayant un gisement à peu près nord et sud. Marbre croyait prudent de déployer le grand hunier pour déborder de la terre, la côte, dans les environs de Dublin, restant sous notre bossoir sous le vent. Nous avions pris la précaution de prendre tous les ris avant de le serrer, et je montai moi-même en haut pour affaler les cargues. Si, sur le pont, je m’étais déjà formé une opinion très-respectable de la force de la bourrasque, ce fut bien autre chose quand je fus sur la vergue du grand hunier ; ce n’était pas chose facile de s’y maintenir, et, pour travailler en même temps, il fallait autant de force que de présence d’esprit. Je réussis néanmoins