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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/270

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jour où le Breton quitta sa seconde croisière, un bâtiment se montra en droite ligne sur notre route, et avant le coucher du soleil on avait reconnu que c’était une frégate.

Le Breton manœuvra toute la nuit pour s’approcher d’elle, et il y réussit, car il n’en était qu’à une lieue de distance, et très-peu au vent d’elle, quand je montai sur le pont le lendemain de grand matin. On avait fait branle-bas, et il régnait partout un mouvement et une ardeur qui n’étaient pas ordinaires. Le sifflet appelait les matelots à déjeuner au moment où je m’approchai du capitaine pour le saluer.

— Bonjour, Wallingford, cria le vieillard avec enjouement, vous arrivez juste à temps pour jeter un regard sur cette frégate française qui semble si fière de sa beauté. Dans deux heures, je l’espère, elle ne sera pas si pimpante. C’est un noble bâtiment, n’est-ce pas, et tout à fait de la force du nôtre ?

— C’est ce qui me semble, capitaine ; mais êtes-vous certain qu’elle soit française ?

— Aussi certain que je le suis que mon bâtiment est anglais. Vous voyez qu’elle ne comprend rien à nos signaux, et d’ailleurs il n’y a pas à se tromper à son gréement. A-t-on jamais vu un bâtiment anglais avec des mâts et des vergues de cacatois semblables ? Ainsi donc, monsieur Wallingtord, il faut vous résigner à déjeuner une heure plus tôt qu’à l’ordinaire, ou bien vous en passer. Ah ! voici justement le maître d’hôtel qui vient nous prévenir que nous sommes servis.

Je suivis le capitaine dans la chambre, où je trouvai Marbre qu’il avait envoyé chercher pour partager notre repas. C’était une attention de plus que le bon vieillard ajoutait à toutes celles qu’il avait déjà eues pour nous. Il m’avait témoigné en toute occasion beaucoup de bienveillance ; mais dans ce moment il semblait encore redoubler de soins pour moi.

— J’espère, Messieurs, que vous ferez honneur à la cuisine de Davis, dit-il après que notre première faim fut un peu calmée ; car c’est peut-être la dernière occasion que vous aurez d’en juger. Je suis Anglais, et je ne contesterai pas la supériorité que sur mer nous pouvons avoir sur les Français ; mais je sais aussi qu’ils se défendent bravement, et ceux qui sont là pourraient bien faire que demain nous trouvions la marmite renversée. Ils se préparent