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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/278

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de la fumée que possible. Ce fut la seule occasion que j’eus de noter les positions respectives aussi bien que l’état des deux bâtiments.

Le Breton avait considérablement souffert dans son gréement ; mais ses mâts principaux étaient encore debout. Son adversaire avait perdu son grand mât de hune et son mât de perroquet de fougue ; et son feu s’était sensiblement ralenti depuis un quart d’heure. Comme il arrive ordinairement pendant une forte canonnade et par une brise modérée, le vent était complètement tombé. Les deux frégates étaient venues au plus près quelques instants auparavant, les Anglais un peu par la hanche du vent des Français. Ni les uns ni les autres ne bougèrent plus guère de la position qu’ils occupaient. Cependant les vergues du Breton étaient brassées avec une précision admirable, tandis que celles de ses ennemis étaient dans le plus grand désordre. Dans des circonstances pareilles, il n’était pas difficile de prévoir le résultat de l’engagement, d’autant plus que l’ardeur des Anglais semblait augmenter à mesure que le combat se prolongeait.

J’étais toujours à la même place, quand j’entendis le bruit d’un boulet et le craquement d’une planche sur la partie antérieure du gaillard d’arrière. On s’empressait autour d’un homme qui venait de tomber, et je crus entrevoir l’uniforme et les épaulettes du capitaine Rowley. En un instant j’étais près du blessé. C’était bien mon vieil ami. Cléments était là. Il me dit en me voyant :

— Comme vous ne faites rien, Monsieur, voulez-vous aider à descendre le capitaine ?

Je n’aimais pas la manière dont cette demande m’était faite, ni le regard qui l’accompagna ; il me semblait qu’on me disait : À présent je vais commander ce bâtiment, et il faudra bien qu’on n’obéisse. Néanmoins je ne répondis rien ; et, aidé de deux domestiques, je portai le pauvre vieillard dans la sainte-barbe. Dès que le chirurgien eut jeté les yeux sur la blessure, je vis à l’expression de sa figure qu’il n’y avait plus d’espoir. Ses paroles confirmèrent bientôt cette triste nouvelle.

— Le capitaine ne peut vivre une demi-heure, me dit-il à part, et tout ce que nous pouvons faire, c’est de ne lui rien refuser. À présent, par suite de la secousse qu’il a éprouvée, il est anéanti ; mais dans quelques minutes il demandera probablement de l’eau ou du vin. Veuillez, Monsieur, puisque aucun service ne peut vous ap-