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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/282

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comprendre, sans doute, que vous vous êtes révolté pendant la nuit, que vous avez massacré mon équipage, et que si vous avez ensuite perdu votre bâtiment, c’est que vous n’aviez pas assez de bras pour le conduire. N’est-ce pas cela ?

— Ce qu’il y a de vrai dans cette supposition, Milord, c’est que je n’aurais certainement pas perdu mon bâtiment, si, dans la tempête où il a péri, j’avais eu autant de monde à bord qu’à mon départ des États-Unis ; et j’aurais eu autant de monde à bord, si nous n’avions jamais rencontré le Rapide.

— Ce qui est une manière implicite de dire que votre naufrage doit nous être imputé.

— Oui, Milord, et c’est très-explicitement que je le dis, quoique vous n’en ayez été que la cause indirecte.

— Eh bien, Monsieur, c’est un point sur lequel il est probable que nous ne nous accorderons jamais. Vous ne pouvez supposer que les serviteurs du roi d’Angleterre se soumettent à votre manière américaine d’interpréter le droit des gens ; mais vous comprendrez sans peine que ce sont des questions que nous laissons à résoudre à nos juges de l’Amirauté. Ce qui m’importe le plus pour le moment, c’est de savoir ce que sont devenus les officiers et les matelots que nous avons mis sur votre bord. Je vous ai vu quelque temps après en possession du bâtiment ; nos longues-vues ne nous ont pas trompés, j’en suis sûr, et vous-même vous convenez du fait. Qu’est devenu l’équipage de prise ?

Je racontai brièvement la manière dont nous avions repris l’Aurore. Les deux officiers anglais écoutaient attentivement, et je surpris un sourire d’incrédulité sur la figure de Cléments. Le capitaine du Rapide semblait loin d’être satisfait, mais il n’était pas aussi disposé à laisser percer son opinion véritable.

— Voilà une histoire bien inventée, et débitée avec adresse, Milord, dit le premier en ricanant ; mais je doute qu’il se trouve beaucoup de personnes pour y croire dans la marine anglaise.

— La marine anglaise, Monsieur, répliquai-je froidement, est, comme toutes les autres, sujette à des erreurs comme à des revers.

— Des erreurs de cette nature ne sont guère probables, Monsieur, et vous en conviendrez vous-même, après réflexion. Mais je vous demande pardon, Milord ; c’est votre affaire et non la mienne, et j’ai été indiscret en prenant la parole.