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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/287

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réussi dans sa demande. Quant à nous, nous fûmes transférés, avec notre bagage, à bord du Rapide, où notre arrivée produisit à peu près toute la sensation que la discipline d’un bâtiment de guerre pouvait permettre.

À mon arrivée sur le gaillard d’arrière, je fus mis aux fers et confié à la garde d’une sentinelle, près de la porte de la chambre. On eut pourtant quelques égards pour moi ; ainsi on disposa une sorte de paravent en toile derrière lequel je prenais mes repas et je dormais avec une sorte de liberté. Mes fers étaient si larges, que je pouvais les enlever et les remettre à volonté. J’eus tout lieu de croire que les officiers en étaient instruits, et qu’on n’avait voulu que sauver les apparences.

À part cette détention et le tort fait à mes affaires, je n’eus pas grand sujet de me plaindre, quoique ma captivité ait duré jusqu’au mois d’avril 1804, c’est-à-dire pendant cinq grands mois. Pendant ce temps, le Rapide s’était avancé au sud jusqu’à la ligne ; alors, en revenant, il croisa quelque temps auprès des Canaries et des Açores, cherchant en vain quelque autre bâtiment français. On me permettait de prendre l’air deux fois par jour : une fois sur le passavant, et l’autre fois sur le premier pont, et j’étais servi de la table du capitaine.

Pendant les cinq mois que je restai prisonnier, je ne parlai ni à Marbre, ni à Neb. Je les voyais parfois travailler comme les autres, et nous échangions alors des regards significatifs, mais jamais une parole. Quelquefois un des officiers venait me rendre visite ; on parlait de choses et d’autres, on cherchait évidemment à me faire oublier les ennuis de ma captivité ; mais jamais on ne faisait aucune allusion à la cause qui l’avait amenée. Je ne puis dire que ma santé fût altérée, ce que je dus sans doute à la propreté du bâtiment et à la manière admirable dont il était aéré. Enfin nous entrâmes au port, amenant avec nous une prise que le Rapide avait faite au nord des Açores ; c’était un bâtiment français, et Marbre et Neb avaient été sur leur demande envoyés à bord, comme faisant partie de l’équipage de prise. Ce jour-là, je reçus la visite du commis aux vivres, qui était le plus attentif de tous mes visiteurs. Je pris la liberté de lui demander s’il était possible que mes deux compagnons fussent entrés au service de l’Angleterre ?

— Pas précisément, me dit-il, quoiqu’ils semblent s’affectionner