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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/294

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— Nous savions bien qu’il vous était arrivé de grandes catastrophes. Imaginez-vous que quelques-uns de vos matelots sont revenus il y a plusieurs mois : ils ont rapporté comme quoi l’Aurore avait été capturée par les Anglais. Depuis ce moment, le bon M. Hardinge a cru que tout était fini. Que voulez-vous ? Tous les malheurs à la fois ! D’abord cette malheureuse hypothèque sur Clawbonny…

— Comment, cette hypothèque ! Est-ce qu’on y a donné suite ?

— Si on y a donné suite ! Je ne saurais vous dire tout ce qu’on n’a pas fait de formalités ; tant et si bien que la vente a été affichée il y a trois mois ; et quand elle a eu lieu, devinez un peu ce que le bien a rapporté, le moulin compris et tout ? Devinez, Monsieur.

— La vente ! Clawbonny est donc vendu, et je ne possède plus la maison de mon père ?

— Oui, Monsieur, et nous avons été tous congédiés, nègres et tout. On a dit aux nègres les plus âgés qu’en vertu des lois sur la liberté, ils seraient bientôt leurs maîtres ; et quant aux jeunes, vos créanciers devaient les vendre pour le temps qui restait à courir.

Mais M. Hardinge a recueilli les pauvres créatures ; il les a fait admettre dans des maisons qui sont près du presbytère, et ils travaillent en attendant que les affaires soient réglées. C’est bien à leur honneur, monsieur Miles, que pas un d’eux n’ait seulement eu l’idée de s’enfuir ; avec ces idées qui fermentent dans tout le pays au sujet des noirs, sans maître pour veiller sur eux, ils auraient très-bien pu prendre leurs jambes à leur cou.

— Et Chloé, la servante de ma sœur, qu’est-elle devenue, Jared ?

— Je crois que miss Lucie l’a prise à son service. Miss Lucie est prodigieusement riche, allez ; et son père a racheté tout ce qui pouvait s’emporter. Ce qui avait vie a été mis à la ferme de Wright ; et tout cela attendait son ancien maître, s’il revenait jamais.

— Et c’est pour cela que miss Hardinge a eu la bonté de louer cette ferme ?

— On dit comme ça qu’elle l’a achetée avec une partie de ses épargnes ; il paraît qu’elle a la disposition de son revenu, bien qu’elle soit encore mineure.

— Je croyais la trouver mariée ; sa main semblait promise à M. Drewett, quand je suis parti ?

— Oui, on en a beaucoup parlé dans le temps ; mais on dit encore que miss Lucie ne se mariera qu’après sa majorité ; afin de faire