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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/300

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Le colonel Positif me lisait son article à son tour, et, après cette phrase ronflante, il s’arrêta pour me regarder, s’attendant à quelque explosion de contentement.

— J’ai souffert un acte d’agression, souverainement illégal suivant moi, de la part d’une frégate française, répondis-je ; mais, colonel, cet acte n’aurait pas eu lieu, si je n’en avais éprouvé précédemment un autre, tout aussi illégal, de la part de la frégate anglaise le Rapide, commandée par le capitaine lord Harry Dermond, fils du marquis de Thole.

— En vérité, Monsieur, voilà qui est bien extraordinaire ! Une frégate anglaise, dites-vous ? Comment une nation si juste pourrait-elle commettre une agression contre nous, quand nous avons même langue, même origine, mêmes intérêts ; tandis que, je regrette de devoir le dire, il ne se passe pas un jour où nous n’apprenions quelque nouvelle atrocité des mirmidons de ce parvenu qui se pavane sur le trône de France ; un homme, Monsieur, qui n’a pas eu son pareil dans l’histoire, depuis les Néron, les Caligula, et tous les tyrans de l’antiquité. Si vous voulez bien me donner quelques détails sur ce dernier méfait de Bonaparte, capitaine Wallingford, je vous promets qu’ils seront répandus à profusion, et qu’ils seront présentés de manière à défier toutes les attaques de la corruption et de la mauvaise foi.

J’eus la cruauté de refuser ma coopération ; mais il n’en résulta aucune différence ; car, le lendemain, le journal fédéral avait une relation tout aussi exacte de l’affaire que si j’avais fourni moi-même les matériaux, et tout aussi vraie que la plupart des réclames qui paraissent dans les journaux. Elle fut lue avec avidité par tous les fédéralistes des États-Unis ; pendant que l’autre version, reproduite par toutes les gazettes démocratiques, était dévorée avec le même appétit par tout le parti contraire. Je retrouvai la même partialité dans toutes les classes de la société. Si je parlais à un fédéraliste, il m’eût écouté un jour entier, répétant toujours l’histoire de ma capture par le corsaire français ; mais il me tournait le dos dès que j’entamais mon autre récit. Avec les démocrates, c’était tout le contraire ; si bien que je finissais par me faire des ennemis des deux côtés. Mais les fédéralistes, avec lesquels je me trouvais surtout en relations, étaient les plus acharnés contre moi. On ne tarda pas à faire courir le bruit que j’étais un déserteur anglais, moi, Miles,